L’inachevé de la joie – 39

Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Manifeste du refus global

Champ Nouveau-Bordeaux, Nouveau-Bordeaux, Montréal.
45.537567872312124, -73.6815926190463


La pierre refuge, la pierre traversée.

De sa présence au-dessus de moi, dans un champ, passé le boisé inondé au printemps.

Dans la maison du père que je viens de quitter, le foyer en pierres des champs.


***

La nuit se déplace au cœur du vent. La pierre se déplace au-dessus de moi. D’un certain poids, elle ne se mélange pas à mon corps. Atteindre sa légèreté par quelque volonté.

Au-dessus de ma tête, soutenue par d’autres pierres, elle forme une cavité où penser est possible.

Sa pensée ne se refuse pas. Elle est donc un peu au-dessus de la tête, la pierre, pour lui faire avouer ses vides.

Aspirant le souffle.

La fraîcheur sous la pierre est un baume pour mes désirs de destruction.

Issue des champs buldozés pour des bungalows. À leur lisière et à celle du boisé inondé, quelques pierres dont une, refuge pour ma pensée.

Une autre forme de la matière, improbable, entre les maisons et le sauvage du boisé.



La pierre prend de l’ampleur dans la pensée, elle prend tout l’espace. Soutenue, elle ne pèse rien, pensée elle se fait aérolithe. En elle, des couches de vivants. Tant d’eau au dessus eux, puis le magma et les pressions infernales de la croûte terrestre impriment des fossiles. Des fossiles sous mes doigts disent l’exultation du vivant foudroyé. En elle, ils renaissent. La pierre qui est l’emblème incessant de cette vie, au-dessus de ma tête comme un espoir. Tenir au vivant est possible.

***

Mon inquiétude liée à la couleur du ciel, aux feuilles déjà jaunies, aux arbres rudoyés ne diminue pas. Mon angoisse d’être sur le sol humide, sous la roche, ne se retourne pas contre moi si je la pense aérolithe tombé du ciel pour me protéger. C’est ainsi que je la pense, mais elle pourrait être venue des profondeurs de la terre, du magma, pour me rappeler jusqu’à quel point je serai l’inerte, l’insensible. Chaque chemin n’est pas inconcevable. Celui de ma mort est scellé d’une pierre, visible, qui ressemble à celle-là. J’imagine maintenant faite de fossiles. J’aime encore tous ces coquillages et ces invertébrés dont les empreintes conduisent mes gestes vers la vie.

La pierre déposée sur les pierres n’est ni mort ni vie, témoin du sol et du ciel à la fois, des fins et des débuts, sous elle, j’oscille; tel est son lieu.

***

Pierre condensée de mes pensées et de mes rêveries
Pierre qui flotte au-dessus de moi

Donne sa fraîcheur à ma respiration
À mes tombes imaginées

Aspire le lieu en un arrêt
Où s’apaise le souffle pour happer le ciel

Au-dessus de l’aile de pierre
Âme aspirée

Je n’ai plus d’âme
Je n’ai jamais eu d’âme

***

Pierre condensée de mes pensées et de mes rêveries
Flotte au-dessus de moi


Elle donne sa fraîcheur à ma respiration
À mes tombes imaginées


L’aile de pierre qui apaise le souffle
Aspire aussi l’âme

Je n’ai plus d’âme
Je n’ai jamais eu d’âme


**

À cet endroit, la pierre était le lieu, elle le construisait pour mon corps immobile. Maintenant ce sont les nuages de l’aube qui fondent mon lieu.

Hier, marche jusqu’au coucher du soleil. On n’imagine pas les nuages comme des pierres, mais j’imagine la pierre et sa texture de fossile comme un nuage. Les ailes que je me donne.

Categories: Donné , En cours de publication , Essai , Montréal, Nouveau-Bordeauxl , Poésie , Récit , Site web , Web