L’inachevé de la joie – 33
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Wenthworth-nord, Québec, Dessin étang 45.79432051803395, -74.54012210684782 Dans la mémoire l'image est immobile, l'eau est mobile. Où le poème peut-il exister? Quel est son océan, sa rivière, son ruisseau? Gouttes de mémoires Images à peine mobiles Même si l'eau coule en elles Je vois l'étang Entre les branches Et les traits du dessin Son attente de mes pas Léger tremblement Image du ciel et des alentours Les pieds près du ruisseau Voilà que le lieu s'imagine lui-même de sa mémoire Et invente son lac de castor, ses rochers, ses monts Les arbres riverains aux feuilles sur l'eau Le castor en sa demeure Je m'approche de la rive L'eau coule au-dessus et à travers les branches Entre deux rochers gris peut-être rouges Deux monticules à escalader Dans le dessin l'étang est petit Dans la mémoire il est grand Dans ce lieu mon apaisement Je peux être détaché des arbres, des buissons, des cornouillers Je peux être sur la rive le seul vivant entendu un instant Au milieu des sons de la chute Mais je ne le veux pas J'écoute, j'attends À chaque fois dans la forêt les vivants se dérobent Dans ma mémoire l'étang est un témoin précieux de leurs fuites Comme l'eau qui dicte mes pas Comme le ruisseau qui me conduit à l'étang *** Peut-on dire que le poème, que le dessin sont intriqués, sont parties prenantes des lieux évoqués. Ainsi on pourrait distribuer physiquement ces écrits dans ces lieux, faire des livres perpétuels en ces lieux. *** L'eau est aussi obstacle, elle expose le mouillé, elle oblige la nage, elle peut impliquer la mort. La fluidité de l'eau, sa plasticité enveloppe, détermine une action impérieuse. Si l'eau est notre premier élément, il peut être le dernier. Alors que l'espace du sol peut lui aussi offrir des obstacles éminents, l'eau impose une action impérieuse: l'éviter, nager, flotter. Étrange que l'élément fondateur de notre vie nous soit hostile à cause du fonctionnement de notre corps axé sur la consommation de l'oxygène et du cycle du carbone. *** Les ombres sur la colline Se déversent sur moi Où coule l'étang j'entends le son De cette déflagration Pour respirer il suffit de ne pas se rompre Le souffle est ce qui écoute Pour respirer il faut regarder l'étang et ses reflets Attendre le castor ou le corbeau Aimer l'engoulevent, le pic-bois, le corbeau Il me faut lentement me déplacer au moment où tombent sur moi Les rochers, les branches, le sol lui-même Comme l'étang se déverse vers le ruisseau en son remugle Coulent sur moi les fragrances, les bruits, les sensations de l'eau Je la reçois de tout mon corps Avec la colline, l'ombre et la chute *** La terre est ronde et pourtant, il y a toujours un lieu plus lointain, à découvrir, il semble. Chaque éclat de pierre, chaque branche tombée, chaque brindille ne peut-être découverte. Le foisonnement des vivants et de leurs évènements, qui semble hanter ces lieux, ne peut être décrit ni effacé, malgré toute notre volonté de destruction, de mort. ** Un sentier longe l'étang et devient chemin. Il y a un plus loin que l'étang, un plus loin que la montagne, un plus loin vers la falaise entrevue au sommet de la montagne que j'arpenterais. Il y a des rochers, des eaux, des feuilles, des animaux attachés à la rotondité de la terre, ils tournent avec moi, le long de mes spirales, intriquées comme moi au sol, à l'eau, à l'atmosphère. Nous sommes les chambres d'échos les uns des autres.
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