Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Wenthworth-Nord, Lac Spectacles, Chemin du Lac Spectacle,
45.79808588017952, -74.52920031779108
De la topologie douce des Laurentides, faite d’érosions, de pierres brisées, de montagnes épuisées, de vallons, y entrer dans cette forêt et ses pentes, ses descentes, ses ruisseaux, ses blocs erratiques.
Comme intriqué à la marche, ce ciel fait découvrir ces vivants que mire un lac, à un sommet, par un chemin du moindre effort ou du moins, par un trajet de moindre résistance, à choisir si la pente n’est pas trop forte, si un amas de sapins ne barre pas la marche, ou un marécage ou une tourbière, ou simplement une cuvette.
Retrouver les sommets, s’approcher des lacs, entendre les ruisseaux, sans sentier, juste la marche, le chemin à même le sol.
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Poursuivre ces vallons, ces montées en moi, les dessiner puis les imaginer, les imaginer puis les dessiner.
Les écrire puis les dessiner. Les dessiner puis les écrire.
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Modelé de la terre, intrication du sol en soi, ses pentes, ses arbres ou, les arbres et les pentes, les ruisseaux, les fatigues ( les montées) des montagnes, les vertiges des falaises, dans les jambes, le mouvement des bras, les sensations des herbes et des feuillages. Intrication du sol en soi.
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Où se trouve la respiration.
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Au sommet, ce sommet particulier
Les rochers après la montée
Y respirer le passage
Vers un autre regard
Les fleurs mutilées par mes pas
Tombent sur moi
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Tessiture – Intrication – Résonnance – Dessiner
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Mémoire du lieu
En ce lieu
Mes pas liés aux herbes et broussailles
Des deux côtés la colline
En la cuvette où un léger ruisseau
Tisse au paysage les mots mobiles du souvenir
Se déplaçant de ma marche vers ma mémoire
La terre respire
Les allures du corps
Il foule le chemin qu’il va traverser
À sa droite, une autre colline
À sa gauche, un marécage
Rocher devant lui n’est pas obstacle
Dans cette petite vallée
Entre les arbres, leur feuillage, et les pierres
La descente lente, mais respirée
Seul et sans méthode
Que les pas sans chemin
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Les fleurs, les petites roches, à mes pieds
Le long de ma mémoire
Fleurissent sans vent, sans eau
Même dans la suffocation que nous offrons à la terre
Elle vient en moi pour m’enlacer un instant de fragrances
Elle offre à l’air un dessin
Où je me mêle aux lignes et n’avance pas
Le long des récits la terre se fait
En arbres, en broussailles, en rochers arrêtés
Là où je m’éloigne ma mémoire intriquée
Au sol en chacun de mes pas
Me révèle des fleurs et des fougères debout
Resplendissants de leurs verts de pluie de leur violet d’œil naissant
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Le dessin fige la mémoire, mais par ses traits note et fait l’intrication du paysage aux pas, au corps, veut offrir un support à l’imaginaire pour le tisser au paysage évoqué.
La mémoire du paysage subsiste ( en moi, en mon corps), elle est mobile, presque changeante. Je peux me déplacer dans ce paysage, dans le désir, hors lui et à travers lui.
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Intrication des lieux en soi, où la main déborde de gestes, lignes et terres, eau et plantes, dans la marche, entre les rochers, comme vêtus de paysages, de paysage en paysage, un autre vêtement, un autre tissu, une autre nudité.
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Eau coule autour de soi, tessiture du lieu, le tissant à mon corps, d’où il émerge, imprégné de couleurs et d’odeurs, de plantes et d’ombres, de traits et de courbes, entretissées, comme un mot dans la bouche, dans l’air, résonnant, autour de moi, ce lieu, en moi et hors de moi, mon corps passant à travers lui, imbriqué, évidé, vêtu de lui, dévêtu en lui, retenant les sensations et les mots, qu’il tisse à lui.
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Vêtu du lieu
Comme le castor
Se vêt de sa maison de branches et de boue
Vêtement éphémère
De sa pensée
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La marche, intrication au lieu
Autre intrication possible : le cadavre. Laissé là comme celui des animaux ( et les charognards et les insectes), en suspension dans les branches ou dans la terre. Non pas comme moi. Les restes, de la décomposition, avec le paysage. Ou par l’immobilité, sur une pierre, l’intrication serait lente, sur la tête et les jambes pousseraient un arbre. Comme ces arbres qui poussent sur les troncs d’arbres coupés ou cassés.
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On dit de deux particules qu’elles sont intriquées quand elles sont en phase d’état quantique à distance ( peu importe la distance). L’intrication remet en cause le principe de localité défendu par Albert Einstein, mais sans la contredire tout à fait car des échanges d’information à des vitesses supraluminiques restent impossibles et la causalité est respectée.
Est aussi abolie la temporalité, puisqu’à distance le même état se produit en même temps.
L’intrication ne naît pas d’une transmission.
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La marche est une ligne d’univers, rencontrant les lignes d’univers des arbres, des vivants, puisque ceux-ci aussi se déplacent dans l’univers, les deux lignes se rencontrant.
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Pour que je puisse déposer chaque pas dans sa nasse, dans l’enchevêtrement des plantes, des bois morts, des feuilles desséchés de ce sol qui se modèle à mes pieds, sa boue et ses mousses, ses rochers lisses ou rugueux, tout ce qui me tisse, m’immisce en cette trajectoire de la terre dans l’univers fleuri de lumière, tombe sur moi.
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Attendant les chants
Pic-bois
Bruant
Bruant
Pic-bois
L’épervier de ma mémoire
Survolant la forêt
Et fondant sur moi
De ses ailes déployées
Voilà comment l’univers
À toi se tisse et que tu te tisses à lui
Voilà comment je fonds
Sur toi, baisse-toi
Pour ne pas que mes serres t’arrachent
La tête de ce monde
Baisse-toi, fais corps avec la terre, l’eau, l’air.
C’est moi le feu et non tes machines, tes procédés, tes montres, tes œuvres d’explosion, ta dynamite, tes nitrates.
C’est moi le cœur qui bat, cette mémoire incorporé dans chacune de mes cellules de tous les passages, les tempêtes, les rocs et les vagues, modelé des intempéries, des morts et des vivants, depuis si longtemps, si longtemps, tous ces évènements dans ma peau et mes muscles m’ont façonné et c’est la mort que je te dis. Ces évènements qui sont passés avec toi, sont là dans ta chair vivants comme moi dans cette forêt qui fond sur toi avec moi.
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Ce qui trace une ligne enchevêtrée aux autres lignes, une marche dans l’immobilité feinte du lieu, tout cela tournant, spiralant, dans une mémoire, à peine perceptible, tissé à soi, aux arbres, liés aux cailloux, aux danses de lumière, là où l’astre, comme en haut, est projeté avec nous, dans ce tournoiement espéré, les lignes se croisent, m’entourent, m’enrobent et me dérobent avec la terre de la forêt dans mes pas, mes pas qui teignent la forêt, les fils de ma joie.
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Fluctuations du vide quantique
La nature a horreur du vide – il n’y a pas d’horreur du vide, mais que le vide soit tissé à mon corps, le soutenant en quelque sorte, en soit fait, n’est pas horrible, mais hallucinant. Où est le vide, quelle est sa dimension? (constante de Plank)
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Marche faite de ce vide en forme de broussailles traversées d’énergie, fluctuant, synchrone et asynchrone à la fois, où le chant gravite et féconde le paysage de mots, de lettres, bouillonnant à même ma peau et dans mes os!
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Émergeant des lignes
De broussailles et de branches
Enveloppé d’elles
Puis extrait
Dans sa marche
Se coulant en elles
Dans leur enchevêtrement dessiné
Le corps en sueur monte
Il voit la tête des arbres
Les modulations du sol et de la forêt
Autour de lui
Un signe une présence, un obstacle
Un promontoire où les roches
Qui affriment le passage des glaciers
Qui furent errodées puis humus
Là la forêt croit
Il émerge dans une autre lumière
Pour voir son trajet et la forme de la forêt
Il avance sur la crête
Et ainsi ajoute ses stratagèmes et l'amplitude de sa marche
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Dessin 3 Surplomb ( voir image en bas du texte)
Passé le chemin, un monticule, dessiné en surplomb, pour aller plus loin, puis tourner vers la droite ( à droite un dessin).
Est-ce que le dessin épuise et raréfie les mots? Ses lignes sont ce qui m'enrobe, à l’affût des traces reconnues dans le paysage, des repères de mes déambulations antérieures.
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Si je dessine le lieu ( de ma mémoire), je le tisse à moi, et je me lie à l'énergie de ses lignes qui m'enrobent un instant. Dans le dessin, je suis invisible. Je disparais, enrobé de feuilles, de branches, de lignes qui m'entourent, définissent mon corps, puis je me délivre de ces lignes, j'apparais, mais invisible.
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Au Pays-bas les ingénieurs admettent que les digues ne seront peut-être pas suffisantes, qu'ils devront abandonner des terres à l'Océan, qu'elles deviendront salines.
Des vestiges de ces terres englouties d'un autre âge, grottes autrefois, sous la mer de la dernière glaciation. Quand l'Europe était de glace, aux rivages, la mer retirée, leurs pêches, leur art, leur vie.
Aujourd'hui nous croyons ( moi? eux? ou tous?) que l'état pourra construire des barrages contre la montée des océans. Montée des eaux que l'on peut mesurer, mais dont les effets sont incalculables aux rives de New York, Miami, Singapour.
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Du surplomb, de cette petite colline ou monticule, le sol est sec, les cuvettes, les marécages, les ruisseaux peuvent être vus, évités, en ce passage lumineux où la tête peut se lever un peu plus vers l'horizon entre aperçu au printemps, donnant une certaine aisance à la marche, dans la végétation un peu plus clairsemée.
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Le corps apparait
Inextricablement lié au vent
Aux rochers contournés
Au sol des pas
Dans sa respiration
Hors le silence dans la marche
Les bris de branches, le froissement des feuilles aux chevilles
S'écouter détruire le silence ou être des bruits de la forêt
N'étant plus dans cette nature fantasmée
Dans un dessin ou une page écrite
Étant ici, dans ce tourbillon, cette effervescence des lignes
Ouvrant les yeux
Ressentant l'enchevêtrement des arbres et des branches en moi
Pour apparaître, tel un corps, hors ce dessin, dans les mots
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Les écoulements sur le sol, des collines, au monticule, vers la cuvette, se prolongent, ruisseau débordant au printemps, sol d'eau et de boue, vers l'étang.
Au sortir de l'eau, comme le corps, issu de l'eau amniotique, dans l'air, des autres eaux, le goût de salin.
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L'eau dans les creux, contre les rochers, se déplaçant dans la même direction que le marcheur, si lentement.
Des épisodes de l'eau : ce corps.
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La tessiture de la voix dans la tessiture du sol, à l'orée du ruisseau, pieds mouillés, où se dérober, le ciel a passé des messages aux mains, les roches tombées tendent leurs gongs de fougères, lisses de sons, entourées d'arbres lancés vers la lumière, mais proches du torse.
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L'enveloppement du corps par l'eau.
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La question du temps reste présente. Y a-t-il une autre perception du temps en forêt, relativement à la ville, mécanisée, où le temps est compté en déplacement et mouvements de machines, en montres, en horloges téléphone, où le compte de temps est partout présent. Dans la forêt, chaque vivant a son temps (en ville aussi, mais la forêt et la nature recèlent un très grande diversité de source de temps. une abondance des espèces que ne recèle pas la ville.
Chacun de ces vivants a sa ligne d'évènements qui lui est propre. Dans un espace donné ( espace-temps) la trajectoire des choses fixes, rochers, terre, arbres, s'immisce dans celle des vivants mobiles, avec leur énergie propre. Les émissaires du temps sont le soleil et la lune.
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Dans le paysage dit immobile, mais changeant, l'eau en mouvement, le mouvement de l'eau.
Dérobade : L'eau se dérobe à mes pieds.
Je me suis dérobé de cette eau, ce qui m'entoure est une eau en dérobade, où je plonge (-comme un castor), puis j'émerge.
Émergence du paysage, de son eau, mon corps lustré, en résonance.
L'onde de résonance au lieu.
L'émergence du corps qui répond, se mobilise, plonge un autre fois dans la densité des langues des vivants , puis respire, comblé de ces eaux.
Un enrobage de sons, l'immixtion du vivant dans le vivant à l'affut du moindre mouvement, du moindre bruit, de la moindre perception, pour orienter les lignes de vie.
L'eau qui coule est le modèle de l'espace-temps, mais l'homme ne bouge pas dans le fleuve du temps. Il est une ligne de temps dans le mouvement des lignes de temps de la terre. Il est un Terrestre.
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Le terrestre est un désir, émerge du désir. Il est un trait parmi d'autres.
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L'énergie donnée par le soleil rend possible le vivant, par période de jour et de nuit. Sans lui pas de vivants.
D'où vient la sensation d'un temps apaisée en forêt? Du silence ( celui des machines?), de l'absence de compteurs du temps? Malgré le foisonnement du vivant.
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Dessin des boucles
Boucles de la stupéfiante vitesse
De mon corps projeté
Les étoiles n'y peuvent rien de leur passé
Avec les arbres et les pierres
En spirale autour de moi
Épaule à ce tournoiement
Ni chanson, ni silence l'espace
Tourbillons des trajectoires
Boucles de vie d'un autre vivant
Proche ou lointain en sa spirale
Léger papillon de nuit
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Déplacé dans le passé de l'univers, au présent de nos vies, nos lignes en rencontre, en dissonance, en accord. Des vivants, les trajectoires. Une respiration de l'univers, une conséquence de ses lois. Elles nous donnent, nous offrent, les uns les autres, les uns avec les autres.
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Une fois terminé le dessin devient immobile, le poème poursuit sa course.
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De l'eau qui compose mon corps, de l'oxygène qui me permet de vivre - me donne son énergie- du cycle de l'eau et du carbone, ce qui m'incite à donner mes restes à l'univers, moi qui me nomme terrestre, dans tous les cycles, celui de la terre, celui de mon orbite, celui de mon étoile, de ma galaxie, sans cesse en mouvement.
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Mouvement spiralé, si dolce y el tormento, Monteverdi.
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L"eau dans la bouche pour façonner un homme ou une montagne, cette terre de roc et d'humus, de fer en fusion, les milliards de vivants du sol que je foule, la mollesse de la boue aux pieds, les vers, les innombrables insectes, fugues d'eau aux abords des ruisseaux, à peine un courant, qui mène à l'étang, mon corps imbriqué à mes mouvements, à ceux de la terre, et à des milliards d'étoiles de la galaxie, et cette eau non pas comme un miroir, mais une mémoire de ses présences, de mes trajectoires, de ma dissolution.
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De l'eau à cette terre, respiration, une autre respiration, dans la succession des mouvements et des transformations, dont l'eau est l'image.
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Où l'eau, pas de marche, contre-point, où la marche bute, contourne, lieu vide de la marche, c'est pourquoi : marcher sur l'eau, marcher sur le ciel.