L’inachevé de la joie – 23
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Collège André-Grasset, Ahunsick, Montréal 45,55109, -73.63272 Les lieux engramment les évènements, les dissolvent aussi, par ce travail de la nature. D’où les traces disparues de nos ancêtres, ou prédécesseurs, hominiens avec usage du lieu. Explorer toutes les résonances des lieux ( de chacun de mes lieux) Ces lieux, ma mémoire de ces lieux, leurs images en moi ( surtout des images) mais des sons aussi, des paroles (plus rares). Souffle - particules en suspension. *** Je dis visage. Quel est le visage de la baleine? A-t-elle un visage pour les autres de son espèce ( pour les hominiens premiers, elle pourrait l’avoir, elle serait un des membres d’un peuple). *** 2022-05-03 Le lieu, ses ramifications, ses résonances, immeuble de béton isolé dans un vaste champ, aux abords du métropolitain. Pas dans ces longs corridors aux grandes fenêtres, solitude. Pas de mer, mais la solitude de la mer. *** Il y avait des humains et de la poésie, pour la première fois. Je nomme avec eux l’amour. Les voix au matin et au midi, puis le silence recherché des corridors, la pleine lumière des fenêtres, leur chaleur. *** Dans la salle d’art plastique vibrante de lumière, aux arches de béton, Refus global. *** Navire déposé à l'envers Sur le parallélépipède de briques jaunes Résonnant béton à la lumière mes pensées Là le livre donné s'ouvre Refus global *** D’une brume d’images j’émerge Regardant par la fenêtre Le métropolitain Balafre de poussières et de bruits Dans le champ le collège au toit vert-de-gris Pour s’enfuir une prairie Pour demeurer le refus global La poésie se dépose en taches colorées Quand elle arrivera, je pourrais habiter Comment cette vibration du Refus global pourrait me parcourir, de son lieu d’énonciation , lointain ou proche, et jusqu’ici, si je veux l’écrire? Une main me donne Refus global *** Du lieu d’où parle Bordas, je l’entends au haut du Collège André-Grasset, dans la salle d’art plastique, voute de béton, où toute la lumière. Pourquoi est-ce ce de la peinture que nous vient cette parole de liberté et de désir et non de la poésie? Parce qu’il s’agit d’un geste vers le sensible. Ce sensible est dans la poésie. Est-elle un geste? Le langage nous conjugue trop souvent à l’abstraction. Les images nous sauvent, en partie seulement. *** Du premier livre de poésie Émergent des visages Après toutes ces années à écrire Saurais-je les nommer Dire leurs yeux, leurs lèvres, leurs cils M’étonner de leurs paroles, de leurs actes *** Dans cette langue Il faut bien le dire De la vie et des désirs De ma vie et de mes désirs À recevoir et à donner Mains tendues non pas à la douleur et au malheur Joie des libertés à conquérir Quand j’entends Borduas me dire son Refus *** Se promener en VU actuellement ou même consommer de l’essence est actuellement de la folie, un geste déraisonnable, hors la raison. Et plus le véhicule est grand, plus son conducteur déraisonne, affiche ouvertement sa folie. À moins qu’ils ne s’en remette à Dieu. Son âme dans une carcasse d’acier très dure et très bruyante. *** Les lieux humains portent des traces de leur construction et de leur destruction. La destruction de ce lieu de l’homme, Mariopolis (Ukraine), par d’autres hommes, dit la nécessité de prendre la mesure de chaque lieu de l’homme dans ce que l’on nomme la nature. Les deux doivent s’interpénétrer le plus fortement possible. L’importance du lieu apparaît ainsi en négatif, de sa destruction. La destruction des lieux de la nature est concomitante à notre vie réelle. Elle doit aussi cesser. *** Chaque lieu enregistre chaque mouvement de chaque vivant, ou des objets en son espace. Ma volonté de faire fi du temps, est ma volonté d’écrire les lieux. En ces lieux, les évènements. Je suis un de ces évènements. *** Cette question de la lumière. Aux connotations religieuses. Il n’est rien cependant ici sans énergie. En ce sens très concret d’un soleil, de ses fissions, de l’inerte et du vivant, par lui, il advient. Logique matérielle inéluctable, bien que la vie ne le soit pas. *** Donc, en ce lieu d’écriture, la lumière n’est que cette énergie, cette force, cette dimension, en partage de tous les vivants. *** En ce lieu que je nomme poésie, ce collège. Cet édifice de briques et de béton, où je rencontre la poésie et son refus global, cette acceptation totale, que je rejette si souvent, qui me fait poète. *** Rencontre de la poésie Rencontre de la lumière Où chaque lieu me donne À l’obscurité de mon corps Respirant l’air des suffocations et des exhalations J’entends des pas, des paroles et j’attends des visages Avec eux je deviens ce lieu *** Où est ce lieu d’une intime violence, d’une intense vie, d’une si grande liberté, d’une force- résistance incalculée incalculable? N’est-ce pas la poésie? ** Mais l’espoir fou? Cet espoir fou de quoi au juste? Je l’ai encore en moi? *** Au lieu du poème Je suis un fragment Qui aspire à sa lumière Elle va me décomposer M’atomiser en ces mots Qui demandent ma destruction Je m’y accorde et aujourd’hui je ne voudrais n’être qu’eau Quand le soleil me frappe en plein visage ce matin. *** Arches de bétons roses Au lieu où la lumière Entre par les pores Pour la révolution des refus Mes doigts dans la glaise Pour modeler un vase bleu Don de mes mains avec l’espace Dans lequel la terre s’alliera au vivant *** De la joie d’écrire Vient le bouleversement Encore les feuilles au printemps Le retour des migrateurs et des vents En une main de tendresse Posée sur nous quand le chant des oiseaux De tous ces matins Illuminent l’air et nous taisent *** La sauvage Nous dit que nous sommes de ce lieu Qu’elle nomme et retient Avec tous les autres lieux où elle passe Elle fait de nous ses habitants et ses voyageurs Quand je me projette et me remémore en elle Qu’elle me donne la terre et les ruisseaux *** Et si l’amour Fait trembler la carcasse de béton Posée sur l’édifice de toutes mes faillites et mes déconvenues De mes certitudes et de mes mensonges *** Bateau inversé posé sur le rectangle de brique jaunes Vibrante de la lumière des hautes fenêtres Au faite de cet univers pendant un instant Où les refus deviennent poésie L’art resplendit de découvertes et de désirs *** Je n’ai pas de méthode Ni de destin Ni de visage Ni de voix Sur l’embrasure d’une fenêtre Je vois Des élèves marcher ou courir Les champs sont proches de leurs pas Je distingue difficilement les silhouettes Où je suis Que le lieu donne De sa hauteur J’entends les sifflements du vent dans les fenêtres Sans leurs voix Le silence m’étreint Abandonné au soleil *** De ces visages Je ne peux parler Ils n’existent pas encore Ils seront dans la poésie Des corps qui s’inscrivent en inventant leurs voix Je ne peux dire bientôt Même en imagination Leurs paroles n'existent pas Ils seront dessinés en courbes fraîches Les visages auront des cils, des bouches et des yeux *** Dans mon souvenir, je reçois Refus global des mains de ma professeure d’art plastique, D. Gadbois. Ce souvenir est-il exact? Je la vois me montrer sa copie de Refus global. Je confonds D. Gadbois avec sa mère Louise, artiste portraitiste de la même période que Refus global. Refus global est-il pour moi du côté d’une filiation à la mère, puisque ma mère était peintre à ses heures, mais à mille lieues du Refus global. Mais l’insistance, peut-être imaginaire, de D. Gadbois à me faire connaître Refus global penche vers une autre suite des choses. En quoi ce que j’écris est-il lié au Refus global? Quelle est cette Responsabilité entière du poète, de l’artiste? On a longtemps présenté Refus global comme un manifeste anti-catholique, en fait il est anti-chrétien et presque anticolonialiste avant que cette étiquette n’existe. Il est bien plus le manifeste d’une responsabilité entière. Cette responsabilité entière que nous devons partager avec les vivants. Les modalités globales de ce avec, qui n’est qu’un mot, mais implique le lieu, ne sont pas encore définies. *** Ajout 2022-05-25 . Décrire le tableau de Borduas vu au Musée du Québec comme lieu. Leurs visages ont leur secret et leurs silences Personne ne dit tout ce que je ne peux entendre Dans ces corridors je l’aperçois Vibrant malgré la fatigue des courses du vidangeur Cheveux noirs et sourcils noirs Corps trapu et fort il écrit de la poésie *** Réverbérations des visages et des mots Dans les salles de classe ou les corridors Bruyantes éclosions bientôt Jusqu’au toit du monde où être Lumière de leurs voix *** Contre-poème J’avance dans le corridor Où je ne suis pas Il semble que l’absence qui me définit Prend ma place Et marche vers un lieu Que je ne connais pas Qui pourrait s’appeler poésie *** Bien plus que la révolte, soif du sauvage. L’autochtone qui a été qualifié de sauvage porte la responsabilité entière de sa terre, de son lieu. D’où cette éternité. Il pense l’éternité des esprits en ce lieu où les morts retrouvent leur vie. *** L’écriture un lieu où rencontrer les vivants. Ces hommes et ces femmes, je les retrouve vivants, en ce lieu que j’énonce, dans son inachèvement,vivants encore. *** 2022-05-16 À partir de mes souvenirs Si je voulais toucher son visage Le modeler d’une glaise De bord de fleuve ou de mer De mes doigts ouvrir ses yeux Former le galbe du nez, les sourcils très foncés Le sourire des lèvres, la force du regard Pour me donner une autre fois a sensation physique de sa présence J'ai fait un vase bleu Je le lui ai montré Il a souri Est-il poète ou décédé? En quelque ville ou près d’un lac Je ne sais où il est Pour lui, je marcherais sur des rivages de glaise Je suis certain que comme moi il voudrait voir un vol de tourterelles
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