L’inachevé de la joie, essai,poésie, récit, 2023
L’inachevé de la joie tente de saisir la mémoire du poète par l’écriture des lieux qu’il a parcouru ou habité. L’inachevé de la joie met l’accent sur la joie d’être au monde dans l’espace. Il propose une lecture du monde a travers les expériences liées aux lieux et non une expérience du temps.
Retourner de mémoire aux lieux parcourus
Aux lieux habités
Les parcourir de nouveau
Les habiter de nouveau
Autant de fois que ma vie me permettra
De retrouver leurs joies
L’inachevé de la joie est présentée par séquence d’écriture qui parlent d’un lieu. Un même lieux peut-être présent dans plusieurs séquences. Un index permet de naviguer dans ces lieux. Dans la section Lieux vous pouvez parcourir les écrits relatifs à ces lieux.
Tous les lieux
Baie de Tadoussac, Tadoussac
Bassin, Îles de la madeleine, Québec
Centre-sud,Montréal, Québec
Collège André-Grasset, Ahunstick, Montréal
Emprise Hydro-Québec, Voie ferrée du REM, Montréal, Québec
Forillon, Gaspésie
Kamouraska, Québec
Lac de l’achigan, Laurentides
Millerand, iles du Havre-Aubert, Îles de la madeleine, Québec
Montcalm
Montréal, rue du parc, Québec
Place du Trocadéro, Paris, France
Rivièere Trevillet, Tintagel, Cornouialles, Angleterre
St-Félicité, Gaspésie
Venise
Wenthworth-Nord
L’inachevé de la joie – 37
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Rue Drouart, Montréal, Québec 45,43941, 12,32735 Les souvenirs se condensent, s'enchevêtrent, se définissent et forment la maison de bois et de briques. *** Habiter, c'est accueillir. *** Ce qui est habité, le lieu à habiter est-il dans la même dimension du lieu que l'espace parcouru? À partir de ce qui est habité, je puis me projeter. Le lieu habité avec lumière, sa forme permet une extrapolation, diffuse ses éléments dans les autres lieux. Le corps qui habite reçoit du lieu habité une certaine dimension, une forme qui l'accompagne. *** La maison dans l'espace-temps, au même lieu, où il semble que rien ne bouge, un rocher dans l'eau-évènement. Le lieu habité, en sa lumière, ouvert et fermé, des paroles y résident qui semblent disparues, mais demeurent entre les murs protégeant du froid et de l'extrême chaleur. Les images qui me viennent sont aussi celles des actes des personnes ; tournoyant de leurs présences. Leurs présences en tourbillons autour de moi. Dans les évènements de ces lieux habités, le corps, ses gestes et ses paroles, vivant, mobile d'un lieu à l'autre, en ses propres tourbillons. *** Tremblement de terre Turquie, Syrie, février 2023 Au cœur du tremblement de terre l'habitant, et l'habité effondré en lui et hors de lui. De l'effondrement de la maison, l'habitant tremblant de tous ses membres. *** Les éléments de l'habité et sa forme se prolongent dans l'espace-temps, accompagnent le corps, quelques minutes, quelques heures. L'habitant y reviendra. L'habité signe du retour. Le signe du retour habité Oui, je reviens dans la nuit Mais si effondré l'habité? Ainsi la terre, en ses mouvements de lave, de contraction froide, de glissements d'écorce, de plaques tectoniques, si lentement, aux lieux des failles, le tremblement dans les membres de l'habitant, dans ses histoires, dans ses os, jusqu'à l'effondrement de sa maison, inhabitée. La maison habite l'humain qui l'habitait. Si l'effondrement arrive de cette maison, au plus intime, en soi. Devant la maison effondrée les voix des proches, muettes. Voix disparues, habitées. Les décombres, les odeurs de mort, la poussière, les débris au-delà du carré de la maison, dans la rue, dans la cour. Debout devant ce qui reste avec en mémoire les pièces de la maison, les meubles, les couleurs des murs, les tableaux, l'horloge, la lumière du matin. *** Ce qu'il reste dans ma mémoire du split-level de mon enfance rue Drouart, de la forme des pièces, de l'agencement des chambres, des paliers, des escaliers. Le split-level s'explique par ses demi-étages. Bungalow qui donne du luxe au salon par la hauteur des plafonds, son volume. *** Si l'habité m'accompagne dans mes marches, dans les boisés, dans les prairies, dans les rues, à bicyclette ou dans l'autobus : la sensation de la maison. *** Je pense dormir Où l'effondrement d'un corps Vibre encore dans ma mémoire *** Le foyer en pierres des champs. Comme une petite falaise, dans sa caverne les feux. Les étincelles sur le tapis. Le foyer, l'habité. *** Dans la marche, au-delà du seuil, l'habité est transporté avec soi. Le sédentaire et son lieu, où le retour, pour la nuit et les nuits. Lieu, comme en soi, se défaisant, se construisant, avec le corps, en ses dimensions, le prolongeant. L'habité : une prolongation et une limite aux gestes. *** Si je peux dire que Glissant (Édouard Glissant) a toujours marché sur une terre de tremblements, je peux dire que j'ai toujours marché sur un sol de glaise, instable, glissant, mal assuré. Marche dans la glaise, incertitude de mes écrits et de mes marches. La boue et la glaise dans mes marches. La glaise sur laquelle on ne peut édifier les murs de pierres. *** L'habité non pas comme un cadre ou un espace abstrait codifiable, mais avec ses habitants et leurs trajectoires d'espace-temps, lieu qu'ils habitent, qui accompagnent leurs déambulations, vers le retour ou au départ, comme un mythe ou peut-être un rêve. *** Le foyer de pierre de ma maison d'enfance et la glaise de mes pas. Mes pas de glaise sur le plancher de la salle familiale (le den). Mes pas laissant un résidu concret, une trace de boue, une lisière de terre sur le sol. Sur le sol instable de glaise, mes pas dans les limites de la maison, glissant avec la Terre dans l'espace, au sein de sa mémoire habitée. Au-dessus du feu du foyer, la chaleur des pierres, contre ma main, leurs formes ( et la clé du foyer), issues des caldéras, des éjections de laves coulées en rivière de feu, dans le tremblement. *** Des personnages tremblent et transitent dans cette maison : le père, la mère, les fils, la fille. *** Du rivage, la falaise s'élance, en ardoise, noire, glissent mes pas sur le mur de pierre. Je m'assois, devant le feu, dans la glaise de mes pensées. Pensées de glaise pour façonner un monde de mots? *** Cette marche dans la glaise est une marche dans l'incertitude que nous produisons, une marche oũ à tout moment la chute est possible, dans la terre elle-même, dans sa boue. Nous émergeons habillés de terre, habités par elle. *** Dans cette maison quelles étaient mes félicités? Aller chercher le bois et les papiers journaux, préparer le feu, l'allumer avec une longue allumette. Me coucher sur le tapis et entendreles pétarades des bûches. *** Le berceau de pierre et la machine à calculer. Pour le calcul, la machine à calculer résonne sur la pierre, entoure le feu de son son, déclenchée par les mains agiles et précises, vieillissantes, du père. Le calcul envahit la pièce, aux rideaux jaunes, au tapis orange et brun, où assis, regardant le feu, dans la maison, demeure sise sur cette terre; avec elle, mon espace-temps, notre espace temps. Moi, lui et les autres, transportés, emportés dans cette maison qui nous suit de pas en pas une fois en son dehors, sur la même terre tournoyante, et nous, ce nous éphémère et passager, devant le feu, à attendre la fin du calcul, de la trajectoire de notre emportement, avec les machines et leur puissance de calcul sous les doigts, qui ne peuvent rien contre le mouvement qui nous fait. *** Dans ma demeure d'aurore Un jour les doigts de rose Me prendront *** Les chiffres à la main écrits sur une tablette quadrillée ( appelée Ledger) verte au feu jettée. Mon visage est rouge. *** Les nuages rosés maintenant Derrière les vitres de ma fenêtre et de ma porte *** Photons de un million d'années sur ma peau Je vis dans mon continuel passé Qui m'illumine de ses rosés Qui me happe de ses aurores Où j'ai été lumière des lieux Où j'ai été la nuit de mes souvenirs *** Mes pas de glaise Mes cils d'air Mon espace de lumière Dans tous les lieux m'offre ses vivants Je glisse dans leurs félicités --- La glaise fait mes pas L'air mes cils La lumière me fait espace Chaque le lieu m'offre tous ses vivants Je glisse dans leurs félicités *** Dans la maison imaginée incendiée, tremblante, oscillante, je ne vois que la structure de bois brûlée, les murs ont disparu, l'air de l'automne sur ma peau, l'odeur de bois mouillé calciné, j'avance vers l'escalier disparu, je vois le toît ébréché, un rectangle de ciel, mes pas font trembler la maison. Je risque l'ensevelissement, aux côtés des habitants disparus, mon corps enfumé, de plus en plus léger, se défaisant en plaques de glaises. Le feu fait s'élever les scories des corps et des habitations, comme dans une histoire de guerre, la flamme embrasant sans que l'on ne puisse rien y faire, sinon après le feu issu du foyer, parcourir la maison et emporter les images de sa forme. *** Le corps de glaise Au coeur de la brûlure Marchant avec la maison Dans les pas d'une prairie Aux ciels sans chemin Mon cœur de terre expire Les lignes de mes mémoires s'effaçant Elles s'évanouissent avec moi Respirant avec les disparus et les vivants Les floraisons de leur printemps *** Le corps tout entier dans le geste, celui de marcher, de peindre les dessins de chevaux sur la pierre, ou d'écrire. *** La maison sans bruit Est-ce le matin? Sur le tapis doré pieds nus Je suis debout À regarder la lumière naître Entre les longs rideaux du salon Je m'assois pour respirer Le sourire de ma mère *** Chat GPT On dirait que c'est ce que fait l'écrivain, il assemble des mots, les ajoute un après l'autre, pour former des phrases, mais ce n'est pas tout à fait ça, ses mots, ses phrases sont de son corps et de ses souvenirs, de ses expériences et de ses défaites, de la langue apprise d'un autre corps, issue d'un autre corps avec sa mémoire et ses sensations, données avec la langue qui n'est pas qu'un assemblage de mots, qu'il fait vivre de son imaginaire. Elle est aussi ses rires, ses sourires, ses pleurs, sa voix. La voix et le corps de ce qui écrit, avec le corps et la voix. *** L'indéfinissable du vivant. *** N'est-ce pas parce que nous avons oublié notre relation au vivant, de toute part, que nous pouvons parler de Chat GPT comme une avancée majeure! Un grand pas pour l'humanité. *** Le corps dans l'habité, où l'écriture se produit, de sa main, de son bras, de sa respiration, sans contrepartie. Un jeu de formes inscrites en lui, et lancé, là où il vivra. L'aurore lissant les mots de ses nuits, son corps à l'arrêt ou en mouvement, en ce lieu, en souvenir d'une maison habité le long de ses phrases, avec ses pas de boue, jusqu'à la maison où il écrit, ayant laissé à la terre, de pigments, de silices, de respirations, d'autres mots,et son corps avec les autres vivants. *** La légèreté de la structure de bois brûlé, mes pas de boue sur le plancher saturé de décombres, entre les présences allumées puis éteintes, mes pas marqués, définis, par la terre. Sous un ciel entre des noirs affirmés, déployés, accompagnant ma marche, j'habitais, montant les escaliers, incertain de ma chute ou de mon essor, devenant progressivement de boue, lent, de plus en plus lent, me figeant là où le ciel rejoint le toit, où il pleut. *** Où se jouent les scènes de la famille, chutes, rires, tremblements, larmes , évanouissements, cris , vociférations des corps, entre leurs paroles, dissimulés ou présents, avec leur mémoire du bois, des briques, des tapis, des draperies, des tapisseries et des feux. Dans le salon une tapisserie, décor de ruines romaines. *** Habité par des voix, mes souvenirs, en ce lieu, devant l'aurore. *** Homme de glaise Maison debout Couvert des signes de sa vie De fleurs, de défaites, de blessures, d'enfance Maisons de boues à la main façonnées Aux toits de branches Avant les pierres et le bois Après les abris et les tentes d'os Humains qui marchent se défaisant de leurs signes D'autres images sur eux florissantes Des fleurs, des herbes Ombres et montagnes, vallées et ruisseaux Emportant le paysage et la demeure Traces d'eux dans chaque lieu parcouru Humains qui font un signe De glaise doucement le long des rives Assis ou debout, sur eux et en eux les mémoires des passages Des frontières traversées des déserts bus Maisons de boue formées de leurs mains Humains de glaise faits de leur terre *** L'habitant de cette terre En sa maison Emporte avec lui Ce qui l'habite *** Ce qui est avec moi Pour être avec d'autres Transporté Au-delà des murs Les parois translucides Se dissolvent En chaque pas Chaque herbe apparaît Dans une autre main *** La maison n'est pas brûlée, elle est encore debout. Des vivants sont morts, ils sont des souvenirs, on disait ombres, des passants de pensée, où ils habitaient, avec moi, je les vois encore. Je sens les parfums de ma mère, les doigts jaunis du père. Le feu devant lui brûlant les papiers contaminent l'atmosphère de chiffres. Dans le salon, au-dessus des ruines romaines, le toit de bois et devant les ruines les hautes fenêtres habillées de drap d'or. Un fauteuil au dos haut, je lis la maison et les passages de ceux qui l'habitent. *** Ne pas oublier que la maison est réceptacle de mes joies. *** Maison de boue soudée à son lieu Corps de glaise se défaisant lentement S'incorporant à la terre Corps de glaises terrestres Avec la boue des murs Contre moi et autour de moi Sur ma peau de terre Les passages des astres Mon corps et la maison À la terre amalgamés Avec la lumière qui les a innondés Habitant des lieux Je les emporte et les donnes aux autres lieux ** Empreintes des lieux dans le corps Autres lieux du corps sur la terre Corps dissous lentement en chaque lieu Les emportant avec lui dans sa maison de boue Autour de lui ouverte sur lui Rassemblant ses empreintes et sa mémoire des lieux Les vivants inscrits en lui Se défaisant en lambeaux de terre Devenant terrestre à mesure de ses marches *** La rue, espace-temps, la maison, avec la rue, lieu habité, que je déplie dans ma mémoire, avec ses évènements soudés à sa forme, dite de boue ou de bois, de briques ou de pierres, dite d'homme de glaise ou de corps qui écrit, dans la maison et avec elle, ses soleils et ses lunes, virevoltant, avec ses passagers, vaisseau, demeure encore, pour celui qui se souvient que tout ce qui vient à lui est déjà du passé. L'aurore qu'il respire de ses rosés se termine avec l'espoir dans cette maison où il écrit que dans ce tournoiement, ceux qui habitent avec lui soient de cette terre, homme et femmes de glaise, tous leurs passages en eux, leurs drames, leurs larmes et leurs joies, fleurissant sur leurs corps, noués à eux puis se détachant d'eux, dans la terre, dans leur terre, en leur terre, ma terre. *** En somme le lieu de l'habité, une rue ouverte sur la lumière du lieu, où ses joies et ses douleurs, où le matin le soleil innonde le corps. Autour, dans les champs, il devrait y avoir des arbres fruitiers, des cultures, des oiseaux, des animaux. En sortant de la maison, l'on devrait pouvoir marcher pour ceuillir une part de ce qui est donné. ***
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L’inachevé de la joie – 36
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Rue Notre -Dame, Saint-Henri, Montréal, Québec 45.47885055710497, -73.59024768559107 Lieu enclavé, non pas oasis, séparé par une traque. Un peu en dehors ou détaché de Montréal, en bas, comme dans une cuvette, sous la richesse, de l'autre côté du promontoire de la falaise, où l'on vit dix ans de plus. Saint-Henri où l'on vit dix ans de moins. Âpreté du lieu, sa nécessité, pour ce qui est, ultimement, le nécessaire, le suffisant pour vivre, en deçà. *** Saint-Henri apparaît tel une cuvette, un lieu presque en retrait du monde, non pas à l'abri, au bas de la falaise. Ancien, fragile, à l'ombre de, ces grands du haut, où l'abondance trépigne; la sueur, l'odeur de cigarette, de fumée, une noirceur, un gris, des maisons vieilles, mais debout, de part et d'autre de la traque. *** Quand je pense à Saint-Henri, je pense à la nécessité, à quelque chose d'élimé, à un certain dénuement des maisons, des rues, des gens, à une âpreté. *** Du lieu, les dimensions ajustées étroitement aux choses, leur laissent peu d'espace de jeu, serrées, la définition minimale des choses correspond aux choses, une banque n'est qu'une banque, dans le regard, elle coïncide avec une absence de marge de manœuvre. Les trottoirs apparaissant mats, sans artifices, au plus près de leur définition, recouverts au plus près de leur lumière. La respiration du passant, des travailleurs, étroite, sans possible extension, vestige des charbons dans l'air, des éclipses d'air, des suffocations le long du canal, caché, inaperçu, son eau salie de déjections, encore polluée; quand l'eau est devenue plus claire des gens d'une autre classe sont apparus, se cherchant des hauteurs, dont moi et mes jobs d'étudiants, regardant, se mirant, jugeant tout en essayant de comprendre la rue Notre-Dame, de Atwater à de Courcelles et au-delà, ce lieu, dans mon souvenir, avec ses passants, peut-être débonnaires ou fatigués; ce lieu fatigué, mais debout. *** Déambulation sur Notre-Dame, en franchissant le viaduc, apercevant en bas, les maisons de bois de Gabrielle Roy, pensant à leurs murs qui vibrent au passage des machines. La machine, dans cet espace-temps, est aussi une voiture, un char. *** La traque qui traverse Saint-Henri, ne savoir d'où elle vient, ni où elle va, en bas de la place Saint-Henri, fosse, dépression où passent les trains, les entendre, les ressentir, faire corps avec Saint-Henri, ses tanneries, ses cigarettes et son alcool. Âpre Saint-Henri, sa tessiture de travail, de renoncements, de paroles, d'entêtements. La traque qui traverse Saint-Henri n'est pas une balafre, elle fait partie de ce paysage de nécessité, lieu nécessaire à la fois pour ses habitants et pour la machine, mobilisant leurs corps, leurs soifs, leur respiration. Chaque corps découpé dans sa lumière, définissant chaque angle avec précision, assignant les choses leur place, à une crudité de couleurs, de matières. Comme jaillissant sous plusieurs couches de poussières et de smog, malgré tout, cet espace-temps, résistant, non pas en guerre, mais en tranchées, tenant le coup, en attente, sans espoir, décisif. *** Au-dessus de Saint-Henri, à son Ouest, après tout ce temps. Celui des tanneries, des usines, du charbon, des étouffements, de l'échangeur Turcot, d'où les carbones, où les poussières sur les toits, dans les fenêtres, où la respiration de dix ans plus courte, maintenant sous un hôpital aux couleurs... vives... vivifiantes... criardes... un affront à cette vie écourtée. *** Machine-o-cène Voir article du devoir du 24 décembre La scène de la machine a commencé depuis bien longtemps. L'exercice du pouvoir, de la domination, décuplé par la vapeur, depuis très longtemps. Ce n'est qu'un souffle dans l'espace-temps de l'univers. S'il est vrai qu'il s'agit bien d'une machine-o-scène, d'un marchandise-o-scène, d'un capitalisme-o-scène, c'est la conséquence de la civilisation occidentale, auquel tous participent plus ou moins volontairement, par l'achat de marchandises, aujourd'hui des marchandises impliquant - provoquant des destructions en une interaction inéluctable de l'environnement Terre. *** Face à l'évènement civilisation occidentale, l'univers répond et sanctionne : ce n'est pas le bon chemin. Mais où donc est le chemin. *** Le contre-poème serait celui qui marche de retour de l'usine à Pointe Saint-Charles, le long du canal, épuisé, vers son logement à peine chauffé, à pied... *** Dans cette machinerie, l'espace des échanges, qui n'est pas un lieu, l'espace de notre rétribution, de transferts, d'équivalences, où les machines, où le mécanisme de plus en plus décident. *** Au reflux global nous opposons la responsabilité entière *** Les machines me parlent Me donnent des réponses Des trajectoires Des nœuds rouges Sur la rue ceux qui passant Avec leur regard sur moi Sans réponses À Saint-Henri *** Cette fadeur indicible de l'horizon, mais la trame de la rue, la trame d'os des habitants, leur ténacité, où la machine évacuait l'air, expirant l'atmosphère, prenant. *** La machine me condense contre une page Contre un mur Contre une chanson étendue dans la fumée d'une taverne Je la remonte pour la fumée des expectorés Je l'alimente quand elle sucre des corps Elle emporte le canal vers ses eaux boueuses Elle ne dit que ce qu'elle est Au contraire du poète qui veut la débouter Acculé aux briques et aux crépis Ou sous des cheminées ouvertes Sa marche de hêtre se voudrait légère La machine n'est qu'elle et voudrait que tous s'ajustent D'où ces mots dispersés à la surface des corps Qui profitent comme moi un instant du soleil effacé de la rue Notre-Dame *** Les Tanneries L'émulsion dans l'eau Où des restes de chair lessivés Où les reflets des visages disparus Quand elle passe le long des pas Aux alentours des rues avalées Les scies des gestes débités Reçus aux matins et aux soirs À l'échappée des couchers de soi Une atmosphère à retirer des corps Pour la respiration est cela le dimanche ou jamais Journées rares des sucres Redpath Au plus loin des charbons d'eau purifiés *** Pour G. Sur Notre-Dame, sa robe rose est un coup fumant La circulation affiche une liste des fatigues tout en gris Les fumées sont éteintes pour un instant S'exclure des rouages en nœuds sauvages Contraindre la montaison des arsenics dans le canal Lachine en elle extrait des encres Au bleu ses pieds nus, son sexe nu La profondeur n'existe pas au terme du ciel Chaque vie semoncée et un peu plus effacée Entre les murs trop papier trop craie de vie Vagabondage de l'ouest souffle le long des trottoirs joues rouges *** Sa présence, en ce lieu, sa tessiture, descendue avec moi dans ce joli enfer, tant aimé, ses personnes sont personnages, ses fers des étonnements, sa suie un limon de vie, en attente d'une lumière qui pourrait être avec chacun, non pas le paradis ni la rétribution, peut-être un peu moins d'injustice, elle passe en ce lieu non pas comme l'ange vengeur, mais comme un corps qui veut sa respiration. *** Tombé sur lui-même, le lieu En ses trottoirs, ses asphaltes, ses murs Retombé une autre fois encore Comme en un cataclysme permanent Se construisant de ses fragilités Contre les corps transis de lassitudes En lui, le lieu, capital Ajouter des talles de pissenlits, de chiendent Des musiques que les arbres relaient Et des cheveux-claviers escapades souris sur le gris des murs Qu'empoignent les yeux pour faire surgir des amen Qui hantaient l'Église de Saint-Henri La Pentecôte de l'espoir, la langue sacrée des soulèvements doux Sur Notre-Dame, entre De Courcelles et la traque Où s'ouvre béante la circulation aiguë des convois-voyages Dormants immobiles dans leurs rêves vitrifiés Friables jusqu'à la prochaine rue Avec le trottoir devenu semblable à leurs pas Une végétation de sensations dans l'atmosphère Pour joindre à chaque atome des passants Une autre flamboyance : l'espoir que je leur souhaite *** Pas de musiques ni de chansons encore pour Saint-Henri, déposé en lui-même, dormeur éveillé, entre deux passages de train, se retournant dans son lit pour sentir les odeurs de putréfaction d'urines-d'usines, les roues creuses, la mort tombée sur les ouvriers, dix de moins, ans à entendre l'écho des fers. Tel est le lieu de ces corps. *** Est-ce que je peux dire: avec moi? Ces corps avec moi? *** Si moi je m'éveille à Saint-Henri, corps-ouvrier, ou corps; j'allume la chaufferette à l'huile, et son long tuyau, payer l'huile, c'est cher, je note la hauteur de la flamme, frimas sur les fenêtres, corps pas d'usine, en cuisine, non usiné, corps que je peux dire intact, entre les frémissements, ouvrant le poêle pour le café, carburant pas encore combustion, en méditation, sans sort distinct, pas encore noyé de travail, attendant à Saint-Henri la découverte du lieu, le long des rails, à l'emporte-pièce, qui se séparent dans mes cauchemars, j'attends que l'huile vienne à la flamme du pilote pour l'alimenter, ma vie se déroule en ce lieu, sur Notre-Dame, vers la fosse du rail. *** Contre-poème Corps, pas machine, pas plus que l'air, la nourriture, les rues, dans cet élimé Saint-Henri Comme au-dehors, machine, bielles d'usine, courroies Rejets d'os, de muscles Hors les corps Où ils tournent tournent leurs temps De la résistance de chaque muscle Jusqu'aux soifs de plus en plus de chansons Sans mains, les chansons Pour contredire le bruit Dans la résonance sans arrêt Ils s'immobilisent pour une panne de marchandise Je les imagine cherchant le jour et asphyxie Les voilà presque arrêtés au seuil des eaux de naissance Échine nouvelle des tremblements de joie Ce ciel épuré de son bleu Sur les épaules de chaque corps léger *** Ce lieu, la rue Notre-Dame entre De Courcelles et la track, frustre et décapé, de ses multiples tremblements, élimés, au regard, défini et redéfini, émergeant dans une lumière à la fois fade et drue, où elle passe, avec ses couleurs aux joues, et sa robe longue rose. Elle ne donne pas sens à ce lieu, elle l'affirme, ses seins se balançant sous sa chemise blanche retroussée aux manches, le précipité du paysage autour d'elle, devant elle, et devant moi, le viaduc, bientôt le parc, aucune brillance des édifices, des trottoirs, non pas qu'elle soit plus lumineuse qu'eux, les vivants du temps dur de Saint-Henri, elle les accompagne, comprend que comme eux elle est un de ses acteurs, déroule sa marche en scrutant chaque détail des formes attablées à la dureté de l'histoire, l'histoire du lieu fait de faims, de travail, d'épuisement et de joies. Elle est ma joie dans ce lieu, passant avec moi et traversant la track. *** Porteur d'eau, porteur de douleur. La vie est une suite d'épreuves, n'est que douleur? À Saint-Henri. Ce qui est difficile, la misère se mêle à la joie. Contre-poème Une gigue de chacun Une rue monte vers la falaise La dépasse Un reel de tous les instants Une gigue de tous les habitants Un soir de feux allumés D'arrêt de travail De faim et d'alcool Un autre jour Jusqu'au haut de la falaise À Westmount où les corps vivent vieux Dans l'atmosphère enténébrée de leurs déchets De charbons et de soufres Mes chansons contre leur brutalité En gigue, en joie *** Le chant du contre-poème monte le long de la falaise. Ce ne sera pas pour briser l'élocution ou les demeures des nantis ni les enterrer. Les convoquer à entendre? À entonner avec lesdits habitants, le chant du lieu et des gorges, une marée, une montée d'eau inéluctable, noyant jusqu'au-dessus de la falaise les privilèges et les luxes. *** Où est donc la responsabilité entière de ceux qui ont profité de ces corps? *** Je retiens mon souffle pour l'écriture en ce lieu, en cette chambre, à juxtaposer leurs suffocations à ma suffocation, dans leurs poumons emportés, de mon souffle, insuffisant. *** Sur chaque lieu, pèse maintenant la main de l'homme, ses exhalaisons, ses mots, plus de lieu sans ses mots, ses phrases chimiques, ses exubérances fossiles.
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L’inachevé de la joie – 36
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Rue Notre -Dame, Saint-Henri, Montréal, Québec 45.47885055710497, -73.59024768559107 Lieu enclavé, non pas oasis, séparé par une traque. Un peu en dehors ou détaché de Montréal, en bas, comme dans une cuvette, sous la richesse, de l'autre côté du promontoire de la falaise, où l'on vit dix ans de plus. Saint-Henri où l'on vit dix ans de moins. Âpreté du lieu, sa nécessité, pour ce qui est, ultimement, le nécessaire, le suffisant pour vivre, en deçà. *** Saint-Henri apparaît tel une cuvette, un lieu presque en retrait du monde, non pas à l'abri, au bas de la falaise. Ancien, fragile, à l'ombre de, ces grands du haut, où l'abondance trépigne; la sueur, l'odeur de cigarette, de fumée, une noirceur, un gris, des maisons vieilles, mais debout, de part et d'autre de la traque. *** Quand je pense à Saint-Henri, je pense à la nécessité, à quelque chose d'élimé, à un certain dénuement des maisons, des rues, des gens, à une âpreté. *** Du lieu, les dimensions ajustées étroitement aux choses, leur laissent peu d'espace de jeu, serrées, la définition minimale des choses correspond aux choses, une banque n'est qu'une banque, dans le regard, elle coïncide avec une absence de marge de manœuvre. Les trottoirs apparaissant mats, sans artifices, au plus près de leur définition, recouverts au plus près de leur lumière. La respiration du passant, des travailleurs, étroite, sans possible extension, vestige des charbons dans l'air, des éclipses d'air, des suffocations le long du canal, caché, inaperçu, son eau salie de déjections, encore polluée; quand l'eau est devenue plus claire des gens d'une autre classe sont apparus, se cherchant des hauteurs, dont moi et mes jobs d'étudiants, regardant, se mirant, jugeant tout en essayant de comprendre la rue Notre-Dame, de Atwater à de Courcelles et au-delà, ce lieu, dans mon souvenir, avec ses passants, peut-être débonnaires ou fatigués; ce lieu fatigué, mais debout. *** Déambulation sur Notre-Dame, en franchissant le viaduc, apercevant en bas, les maisons de bois de Gabrielle Roy, pensant à leurs murs qui vibrent au passage des machines. La machine, dans cet espace-temps, est aussi une voiture, un char. *** La traque qui traverse Saint-Henri, ne savoir d'où elle vient, ni où elle va, en bas de la place Saint-Henri, fosse, dépression où passent les trains, les entendre, les ressentir, faire corps avec Saint-Henri, ses tanneries, ses cigarettes et son alcool. Âpre Saint-Henri, sa tessiture de travail, de renoncements, de paroles, d'entêtements. La traque qui traverse Saint-Henri n'est pas une balafre, elle fait partie de ce paysage de nécessité, lieu nécessaire à la fois pour ses habitants et pour la machine, mobilisant leurs corps, leurs soifs, leur respiration. Chaque corps découpé dans sa lumière, définissant chaque angle avec précision, assignant les choses leur place, à une crudité de couleurs, de matières. Comme jaillissant sous plusieurs couches de poussières et de smog, malgré tout, cet espace-temps, résistant, non pas en guerre, mais en tranchées, tenant le coup, en attente, sans espoir, décisif. *** Au-dessus de Saint-Henri, à son Ouest, après tout ce temps. Celui des tanneries, des usines, du charbon, des étouffements, de l'échangeur Turcot, d'où les carbones, où les poussières sur les toits, dans les fenêtres, où la respiration de dix ans plus courte, maintenant sous un hôpital aux couleurs... vives... vivifiantes... criardes... un affront à cette vie écourtée. *** Machine-o-cène Voir article du devoir du 24 décembre La scène de la machine a commencé depuis bien longtemps. L'exercice du pouvoir, de la domination, décuplé par la vapeur, depuis très longtemps. Ce n'est qu'un souffle dans l'espace-temps de l'univers. S'il est vrai qu'il s'agit bien d'une machine-o-scène, d'un marchandise-o-scène, d'un capitalisme-o-scène, c'est la conséquence de la civilisation occidentale, auquel tous participent plus ou moins volontairement, par l'achat de marchandises, aujourd'hui des marchandises impliquant - provoquant des destructions en une interaction inéluctable de l'environnement Terre. *** Face à l'évènement civilisation occidentale, l'univers répond et sanctionne : ce n'est pas le bon chemin. Mais où donc est le chemin. *** Le contre-poème serait celui qui marche de retour de l'usine à Pointe Saint-Charles, le long du canal, épuisé, vers son logement à peine chauffé, à pied... *** Dans cette machinerie, l'espace des échanges, qui n'est pas un lieu, l'espace de notre rétribution, de transferts, d'équivalences, où les machines, où le mécanisme de plus en plus décident. *** Au reflux global nous opposons la responsabilité entière *** Les machines me parlent Me donnent des réponses Des trajectoires Des nœuds rouges Sur la rue ceux qui passant Avec leur regard sur moi Sans réponses À Saint-Henri *** Cette fadeur indicible de l'horizon, mais la trame de la rue, la trame d'os des habitants, leur ténacité, où la machine évacuait l'air, expirant l'atmosphère, prenant. *** La machine me condense contre une page Contre un mur Contre une chanson étendue dans la fumée d'une taverne Je la remonte pour la fumée des expectorés Je l'alimente quand elle sucre des corps Elle emporte le canal vers ses eaux boueuses Elle ne dit que ce qu'elle est Au contraire du poète qui veut la débouter Acculé aux briques et aux crépis Ou sous des cheminées ouvertes Sa marche de hêtre se voudrait légère La machine n'est qu'elle et voudrait que tous s'ajustent D'où ces mots dispersés à la surface des corps Qui profitent comme moi un instant du soleil effacé de la rue Notre-Dame *** Les Tanneries L'émulsion dans l'eau Où des restes de chair lessivés Où les reflets des visages disparus Quand elle passe le long des pas Aux alentours des rues avalées Les scies des gestes débités Reçus aux matins et aux soirs À l'échappée des couchers de soi Une atmosphère à retirer des corps Pour la respiration est cela le dimanche ou jamais Journées rares des sucres Redpath Au plus loin des charbons d'eau purifiés *** Pour G. Sur Notre-Dame, sa robe rose est un coup fumant La circulation affiche une liste des fatigues tout en gris Les fumées sont éteintes pour un instant S'exclure des rouages en nœuds sauvages Contraindre la montaison des arsenics dans le canal Lachine en elle extrait des encres Au bleu ses pieds nus, son sexe nu La profondeur n'existe pas au terme du ciel Chaque vie semoncée et un peu plus effacée Entre les murs trop papier trop craie de vie Vagabondage de l'ouest souffle le long des trottoirs joues rouges *** Sa présence, en ce lieu, sa tessiture, descendue avec moi dans ce joli enfer, tant aimé, ses personnes sont personnages, ses fers des étonnements, sa suie un limon de vie, en attente d'une lumière qui pourrait être avec chacun, non pas le paradis ni la rétribution, peut-être un peu moins d'injustice, elle passe en ce lieu non pas comme l'ange vengeur, mais comme un corps qui veut sa respiration. *** Tombé sur lui-même, le lieu En ses trottoirs, ses asphaltes, ses murs Retombé une autre fois encore Comme en un cataclysme permanent Se construisant de ses fragilités Contre les corps transis de lassitudes En lui, le lieu, capital Ajouter des talles de pissenlits, de chiendent Des musiques que les arbres relaient Et des cheveux-claviers escapades souris sur le gris des murs Qu'empoignent les yeux pour faire surgir des amen Qui hantaient l'Église de Saint-Henri La Pentecôte de l'espoir, la langue sacrée des soulèvements doux Sur Notre-Dame, entre De Courcelles et la traque Où s'ouvre béante la circulation aiguë des convois-voyages Dormants immobiles dans leurs rêves vitrifiés Friables jusqu'à la prochaine rue Avec le trottoir devenu semblable à leurs pas Une végétation de sensations dans l'atmosphère Pour joindre à chaque atome des passants Une autre flamboyance : l'espoir que je leur souhaite *** Pas de musiques ni de chansons encore pour Saint-Henri, déposé en lui-même, dormeur éveillé, entre deux passages de train, se retournant dans son lit pour sentir les odeurs de putréfaction d'urines-d'usines, les roues creuses, la mort tombée sur les ouvriers, dix de moins, ans à entendre l'écho des fers. Tel est le lieu de ces corps. *** Est-ce que je peux dire: avec moi? Ces corps avec moi? *** Si moi je m'éveille à Saint-Henri, corps-ouvrier, ou corps; j'allume la chaufferette à l'huile, et son long tuyau, payer l'huile, c'est cher, je note la hauteur de la flamme, frimas sur les fenêtres, corps pas d'usine, en cuisine, non usiné, corps que je peux dire intact, entre les frémissements, ouvrant le poêle pour le café, carburant pas encore combustion, en méditation, sans sort distinct, pas encore noyé de travail, attendant à Saint-Henri la découverte du lieu, le long des rails, à l'emporte-pièce, qui se séparent dans mes cauchemars, j'attends que l'huile vienne à la flamme du pilote pour l'alimenter, ma vie se déroule en ce lieu, sur Notre-Dame, vers la fosse du rail. *** Contre-poème Corps, pas machine, pas plus que l'air, la nourriture, les rues, dans cet élimé Saint-Henri Comme au-dehors, machine, bielles d'usine, courroies Rejets d'os, de muscles Hors les corps Où ils tournent tournent leurs temps De la résistance de chaque muscle Jusqu'aux soifs de plus en plus de chansons Sans mains, les chansons Pour contredire le bruit Dans la résonance sans arrêt Ils s'immobilisent pour une panne de marchandise Je les imagine cherchant le jour et asphyxie Les voilà presque arrêtés au seuil des eaux de naissance Échine nouvelle des tremblements de joie Ce ciel épuré de son bleu Sur les épaules de chaque corps léger *** Ce lieu, la rue Notre-Dame entre De Courcelles et la track, frustre et décapé, de ses multiples tremblements, élimés, au regard, défini et redéfini, émergeant dans une lumière à la fois fade et drue, où elle passe, avec ses couleurs aux joues, et sa robe longue rose. Elle ne donne pas sens à ce lieu, elle l'affirme, ses seins se balançant sous sa chemise blanche retroussée aux manches, le précipité du paysage autour d'elle, devant elle, et devant moi, le viaduc, bientôt le parc, aucune brillance des édifices, des trottoirs, non pas qu'elle soit plus lumineuse qu'eux, les vivants du temps dur de Saint-Henri, elle les accompagne, comprend que comme eux elle est un de ses acteurs, déroule sa marche en scrutant chaque détail des formes attablées à la dureté de l'histoire, l'histoire du lieu fait de faims, de travail, d'épuisement et de joies. Elle est ma joie dans ce lieu, passant avec moi et traversant la track. *** Porteur d'eau, porteur de douleur. La vie est une suite d'épreuves, n'est que douleur? À Saint-Henri. Ce qui est difficile, la misère se mêle à la joie. Contre-poème Une gigue de chacun Une rue monte vers la falaise La dépasse Un reel de tous les instants Une gigue de tous les habitants Un soir de feux allumés D'arrêt de travail De faim et d'alcool Un autre jour Jusqu'au haut de la falaise À Westmount où les corps vivent vieux Dans l'atmosphère enténébrée de leurs déchets De charbons et de soufres Mes chansons contre leur brutalité En gigue, en joie *** Le chant du contre-poème monte le long de la falaise. Ce ne sera pas pour briser l'élocution ou les demeures des nantis ni les enterrer. Les convoquer à entendre? À entonner avec lesdits habitants, le chant du lieu et des gorges, une marée, une montée d'eau inéluctable, noyant jusqu'au-dessus de la falaise les privilèges et les luxes. *** Où est donc la responsabilité entière de ceux qui ont profité de ces corps? *** Je retiens mon souffle pour l'écriture en ce lieu, en cette chambre, à juxtaposer leurs suffocations à ma suffocation, dans leurs poumons emportés, de mon souffle, insuffisant. *** Sur chaque lieu, pèse maintenant la main de l'homme, ses exhalaisons, ses mots, plus de lieu sans ses mots, ses phrases chimiques, ses exubérances fossiles.
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L’inachevé de la joie – 34
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Forillon, parc de Forillon, Québec 48.75140637928532, -64.1611787557531 Non pas sphère, mais objet sphérique, spiralant, en l'espace-temps. *** La responsabilité entière. *** La responsabilité entière de chaque lieu, en chaque lieu. *** Comme le fleuve prend les eaux du Québec et les amène à l'Océan. *** Intrication du dessin au corps, des lettres aux corps. Forillon. **** Forillon évoque cette responsabilité entière. Les mouvements si précis et inéluctables de la Terre. Sans le verbe, on voit, un instant, toute son étendue, tout son foisonnement. Il ne s'agit pas du silence, mais du vide foisonnant dans lequel notre corps parle. Notre responsabilité: ce langage foisonnant. *** Notre responsabilité est un langage imaginaire, celui de la terre dont nous sommes faits. Nous nions notre intrication à ce langage. *** Il est un prolongement de l'univers. Ainsi à Forillon culmine la côte de la Gaspésie de l'estuaire. Les falaises la prolongent en flamboyant. *** La vie sur terre est le résultat d'une multitude d'évènements. Peut-on nommer l'univers un chaos alors que l'on sait que la vie est organisée, se déroule de façon stricte et ordonnée en produisant des hasards? Des hasards et de l'ordre. Un ordre fourmillant de hasards. Un chaos dont l'ordre provoque inéluctablement notre mort. *** Au promontoire de Forillon, je vois le hasard à dos de baleine, qui plonge. *** Une pensée sphérique: le dos de baleine suit la surface courbe de l'Océan, prolonge sa nage, d'un Océan à l'autre, dans la rotondité de la terre. La baleine le sait-elle? L'appréhende-t-elle? Je le sais, sans le comprendre, l'influence de la forme de la terre sur la circulation constante de l'énergie et de mon énergie. *** La falaise de Forillon Dos de baleines À mon souffle À ma respiration *** Dans une chute Lancé, suivant la courbe Dans l'air, dans l'eau La nage, l'envol Avec le mouvement circulaire L'abondance des possibles Joué dans l'ellipse de l'orbite Sur la terre dans l'indicible Avec la rotondité spiralant À chaque instant rencontrant un espace nouveau Le souffle lié à Forillon aux respirations des baleines plongeant *** La responsabilité entière. À cette responsabilité il faut joindre l'émerveillement de ce qui est nommé nature, plus exactement de l'univers et de certaines de nos réalisations. Comme le satellite James Web. *** Ni tombe ni noyade Envol en suspens Sur la terre dans l'indécidable En accord avec la rotondité spiralée À chaque instant rencontrant un espace nouveau Le souffle liè à Forillon et aux respirations des baleines plongeant *** Le gisant Forillon Homme ébloui, au bout de ses peines, devenu de pierre, homme fossile couché qui se lève aux eaux salées des vies abondantes, pour coucher des mots. Je passe tout contre lui, dans la sphéricité de la terre, invoquant les crues des eaux ou les marées désaltérantes aux sauts de lune, la tête un peu levée devant ce promontoire où s'assoir et embrasser du regard l'eau, le ciel et la peau mouillée des baleines, devenir être de pierre un instant, comme lui, être la côte qui accueille et sur laquelle l'eau se brise et qu'elle brise. *** Le temps n'existe pas en tant que tel. Son extraction de l'espace-temps du lieu est le signe du travail, du corps harnaché, sans son lieu, sans les imaginations de ces lieux, les cultures de ces lieux. *** Ne pas entendre le lieu. L'écoute différée du lieu. Au promontoire de Forillon, un vent, le soleil, les vagues en bas contre les rochers. Comme dans un silence. *** La responsabilité entière de la terre, dévoilée. Les vivants sur l'entièreté de la rotondité de la terre, sur l'humus, dans les eaux, sur les pierres aux énergies cosmiques, en chacun des corps, la vibration, sur l'étendue dévoilée des champs, des forêts, des savanes, chacun des vivants, chaque vie au cœur de chacun. *** Traces minérales des spirales. *** Vers le fleuve
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L’inachevé de la joie – 33
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Wenthworth-nord, Québec, Dessin étang 45.79432051803395, -74.54012210684782 Dans la mémoire l'image est immobile, l'eau est mobile. Où le poème peut-il exister? Quel est son océan, sa rivière, son ruisseau? Gouttes de mémoires Images à peine mobiles Même si l'eau coule en elles Je vois l'étang Entre les branches Et les traits du dessin Son attente de mes pas Léger tremblement Image du ciel et des alentours Les pieds près du ruisseau Voilà que le lieu s'imagine lui-même de sa mémoire Et invente son lac de castor, ses rochers, ses monts Les arbres riverains aux feuilles sur l'eau Le castor en sa demeure Je m'approche de la rive L'eau coule au-dessus et à travers les branches Entre deux rochers gris peut-être rouges Deux monticules à escalader Dans le dessin l'étang est petit Dans la mémoire il est grand Dans ce lieu mon apaisement Je peux être détaché des arbres, des buissons, des cornouillers Je peux être sur la rive le seul vivant entendu un instant Au milieu des sons de la chute Mais je ne le veux pas J'écoute, j'attends À chaque fois dans la forêt les vivants se dérobent Dans ma mémoire l'étang est un témoin précieux de leurs fuites Comme l'eau qui dicte mes pas Comme le ruisseau qui me conduit à l'étang *** Peut-on dire que le poème, que le dessin sont intriqués, sont parties prenantes des lieux évoqués. Ainsi on pourrait distribuer physiquement ces écrits dans ces lieux, faire des livres perpétuels en ces lieux. *** L'eau est aussi obstacle, elle expose le mouillé, elle oblige la nage, elle peut impliquer la mort. La fluidité de l'eau, sa plasticité enveloppe, détermine une action impérieuse. Si l'eau est notre premier élément, il peut être le dernier. Alors que l'espace du sol peut lui aussi offrir des obstacles éminents, l'eau impose une action impérieuse: l'éviter, nager, flotter. Étrange que l'élément fondateur de notre vie nous soit hostile à cause du fonctionnement de notre corps axé sur la consommation de l'oxygène et du cycle du carbone. *** Les ombres sur la colline Se déversent sur moi Où coule l'étang j'entends le son De cette déflagration Pour respirer il suffit de ne pas se rompre Le souffle est ce qui écoute Pour respirer il faut regarder l'étang et ses reflets Attendre le castor ou le corbeau Aimer l'engoulevent, le pic-bois, le corbeau Il me faut lentement me déplacer au moment où tombent sur moi Les rochers, les branches, le sol lui-même Comme l'étang se déverse vers le ruisseau en son remugle Coulent sur moi les fragrances, les bruits, les sensations de l'eau Je la reçois de tout mon corps Avec la colline, l'ombre et la chute *** La terre est ronde et pourtant, il y a toujours un lieu plus lointain, à découvrir, il semble. Chaque éclat de pierre, chaque branche tombée, chaque brindille ne peut-être découverte. Le foisonnement des vivants et de leurs évènements, qui semble hanter ces lieux, ne peut être décrit ni effacé, malgré toute notre volonté de destruction, de mort. ** Un sentier longe l'étang et devient chemin. Il y a un plus loin que l'étang, un plus loin que la montagne, un plus loin vers la falaise entrevue au sommet de la montagne que j'arpenterais. Il y a des rochers, des eaux, des feuilles, des animaux attachés à la rotondité de la terre, ils tournent avec moi, le long de mes spirales, intriquées comme moi au sol, à l'eau, à l'atmosphère. Nous sommes les chambres d'échos les uns des autres.
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L’inachevé de la joie – 32
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
7 paysages de Robert Morin, Rencontres internationales du documentaire de Montréal - RIDM en novembre 2022, vu au Cinéma du parc, Montréal, Qu`ébec Comment l’amour peut-il triompher? L’amour du lieu, l’amour de la rivière, si précieux. Robert Morin a filmé un méandre de rivière et ses environs contemplativement, patiemment, en sept cadrages fixes, pendant trois ans, en toute saison. Je vois la rivière, la force l’eau, son abondance, ses cycles d’orages et de paix. Je contemple sa beauté et ce qui l’entoure, à quelques pas de la maison de celui qui filme, qu’elle approche de ses eaux. Eaux gonflées, eaux gelées, eaux des saisons, toujours mobiles. Comme la vie. Ce n’est pas cependant la métaphore choisie par celui – ou ce – qui filme. Le temps. Et pourtant, il s’agit bien du lieu et de ses espaces-temps qui est filmé. La caméra est-elle sujet? Si elle l’est, elle est enfermée, patiente, immobile. L’image de cette immobilité coule d’une scène à l’autre par la mobilité de l’eau. La rivière, son coude, son méandre, là où elle change de sens, est filmée dans le mouvement de ses changements. Ce sont ces changements qui mobilisent l’image. Ils font que la caméra et le cinéaste se déplacent d’une scène à l’autre. La bande sonore remarquable de Catherine Van Der Donckt est saturée de bruits, de chants, ceux de la forêt, de la rive, de leurs vivants, et des sons de l’écoulement de la rivière, mais aussi ceux d’autres lieux. Son abondance est toujours prégnante, alors la nature est fantasmée pour sa présence sensible si chère à celui qui enregistre le lieu. Présence sensible, changeante, toujours changeante, si souvent merveilleuse et merveilleusement captée. L’eau fait cela à l’image, elle la mouille, et la fait glisser vers l’autre séquence. Ce glissement est appelé le temps. C’est l’évènement-rivière qui se poursuit, rencontré par les évènements-caméra. Le cinéaste, celui qui met en œuvre ces évènements-caméra n’est pas visible, bien qu’il en fasse partie. Son absence désigne la rivière et ses alentours, proche de l’habitat, comme le sujet du film. Le cinéaste est avec le lieu dans le lieu. D’une certaine façon, c’est un lieu qui se filme, qui s’enregistre, un des vivants de ce lieu qui l’enregistre comme les autres vivants. Chacun des vivants enregistrant le lieu à sa façon. Créant une chaîne d’évènements avec l’évènement-rivière. Ces vivants, si on les entend dans la bande sonore on ne les voit presque pas. On ne sait pas pourquoi On ne peut pas le savoir. Au printemps, les oiseaux sont si présents et beaucoup nous quittent à l’automne. Leurs piaillements et chants se font plus rares. Le cinéaste imagine une guerre*, pour montrer la fragilité du lieu et son amour pour ce lieu. La guerre s’opposant à l’amour. Pourtant, la tragédie n’est-elle pas que les chants des oiseaux et les bruissements des animaux diminuent, et s’éteindront peut-être un jour alors que le son de la rivière restera le même? Ultimement, le lieu reprend ses droits, la rivière coule, enchaîne ses cycles d’eau, oublie les humains ( la caméra la quitte à la nuit). Elle gèle, fond, tourne, court, dévale, bouillonne, envahit, frappe à la porte de la maison — se rappelle peut-être. Non loin de la maison, un homme la guette encore. Amoureux. L’amour peut triompher, un amour du lieu, tenace, inflexible, pétri de contemplation et d’écoute. Un lieu habité. La force du regard, de la force de l’action qu’est le cinéma du passage du temps, c’est-à-dire des transformations de l’espace-temps d’un lieu peut triompher. La force de l’amour du cinéma du cinéaste toujours audacieux peut déposer en nous un autre espace-temps où sont et seront rejoués les chants, les bruissements, où la rivière et ce qu’elle emporte reviendront au centre de nos espoirs et de nos vies. *Quand apparaissent des hélicoptères et des fantassins, un peuple en fuite, on pourrait se demander si la rivière est celle de Conrad ou de Coppola? Quel monstre se cache donc en ses méandres. Le cinéma? Un certain cinéma-spectacle déjoué par le réalisateur qui veut simplement enregistrer ce qui est, le lieu. La rivière fait partie du lieu habité par le cinéaste, et ce qui pourrait effrayer est son ultime beauté. Le seul et dernier film possible?
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L’inachevé de la joie – 31
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Wenthworth-Nord, Lac Spectacles, Chemin du Lac Spectacle, 45.79808588017952, -74.52920031779108 De la topologie douce des Laurentides, faite d’érosions, de pierres brisées, de montagnes épuisées, de vallons, y entrer dans cette forêt et ses pentes, ses descentes, ses ruisseaux, ses blocs erratiques. Comme intriqué à la marche, ce ciel fait découvrir ces vivants que mire un lac, à un sommet, par un chemin du moindre effort ou du moins, par un trajet de moindre résistance, à choisir si la pente n’est pas trop forte, si un amas de sapins ne barre pas la marche, ou un marécage ou une tourbière, ou simplement une cuvette. Retrouver les sommets, s’approcher des lacs, entendre les ruisseaux, sans sentier, juste la marche, le chemin à même le sol. *** Poursuivre ces vallons, ces montées en moi, les dessiner puis les imaginer, les imaginer puis les dessiner. Les écrire puis les dessiner. Les dessiner puis les écrire. *** Modelé de la terre, intrication du sol en soi, ses pentes, ses arbres ou, les arbres et les pentes, les ruisseaux, les fatigues ( les montées) des montagnes, les vertiges des falaises, dans les jambes, le mouvement des bras, les sensations des herbes et des feuillages. Intrication du sol en soi. *** Où se trouve la respiration. *** Au sommet, ce sommet particulier Les rochers après la montée Y respirer le passage Vers un autre regard Les fleurs mutilées par mes pas Tombent sur moi *** Tessiture – Intrication – Résonnance – Dessiner *** Mémoire du lieu En ce lieu Mes pas liés aux herbes et broussailles Des deux côtés la colline En la cuvette où un léger ruisseau Tisse au paysage les mots mobiles du souvenir Se déplaçant de ma marche vers ma mémoire La terre respire Les allures du corps Il foule le chemin qu’il va traverser À sa droite, une autre colline À sa gauche, un marécage Rocher devant lui n’est pas obstacle Dans cette petite vallée Entre les arbres, leur feuillage, et les pierres La descente lente, mais respirée Seul et sans méthode Que les pas sans chemin *** Les fleurs, les petites roches, à mes pieds Le long de ma mémoire Fleurissent sans vent, sans eau Même dans la suffocation que nous offrons à la terre Elle vient en moi pour m’enlacer un instant de fragrances Elle offre à l’air un dessin Où je me mêle aux lignes et n’avance pas Le long des récits la terre se fait En arbres, en broussailles, en rochers arrêtés Là où je m’éloigne ma mémoire intriquée Au sol en chacun de mes pas Me révèle des fleurs et des fougères debout Resplendissants de leurs verts de pluie de leur violet d’œil naissant *** Le dessin fige la mémoire, mais par ses traits note et fait l’intrication du paysage aux pas, au corps, veut offrir un support à l’imaginaire pour le tisser au paysage évoqué. La mémoire du paysage subsiste ( en moi, en mon corps), elle est mobile, presque changeante. Je peux me déplacer dans ce paysage, dans le désir, hors lui et à travers lui. ** Intrication des lieux en soi, où la main déborde de gestes, lignes et terres, eau et plantes, dans la marche, entre les rochers, comme vêtus de paysages, de paysage en paysage, un autre vêtement, un autre tissu, une autre nudité. *** Eau coule autour de soi, tessiture du lieu, le tissant à mon corps, d’où il émerge, imprégné de couleurs et d’odeurs, de plantes et d’ombres, de traits et de courbes, entretissées, comme un mot dans la bouche, dans l’air, résonnant, autour de moi, ce lieu, en moi et hors de moi, mon corps passant à travers lui, imbriqué, évidé, vêtu de lui, dévêtu en lui, retenant les sensations et les mots, qu’il tisse à lui. *** Vêtu du lieu Comme le castor Se vêt de sa maison de branches et de boue Vêtement éphémère De sa pensée *** La marche, intrication au lieu Autre intrication possible : le cadavre. Laissé là comme celui des animaux ( et les charognards et les insectes), en suspension dans les branches ou dans la terre. Non pas comme moi. Les restes, de la décomposition, avec le paysage. Ou par l’immobilité, sur une pierre, l’intrication serait lente, sur la tête et les jambes pousseraient un arbre. Comme ces arbres qui poussent sur les troncs d’arbres coupés ou cassés. *** On dit de deux particules qu’elles sont intriquées quand elles sont en phase d’état quantique à distance ( peu importe la distance). L’intrication remet en cause le principe de localité défendu par Albert Einstein, mais sans la contredire tout à fait car des échanges d’information à des vitesses supraluminiques restent impossibles et la causalité est respectée. Est aussi abolie la temporalité, puisqu’à distance le même état se produit en même temps. L’intrication ne naît pas d’une transmission. *** La marche est une ligne d’univers, rencontrant les lignes d’univers des arbres, des vivants, puisque ceux-ci aussi se déplacent dans l’univers, les deux lignes se rencontrant. *** Pour que je puisse déposer chaque pas dans sa nasse, dans l’enchevêtrement des plantes, des bois morts, des feuilles desséchés de ce sol qui se modèle à mes pieds, sa boue et ses mousses, ses rochers lisses ou rugueux, tout ce qui me tisse, m’immisce en cette trajectoire de la terre dans l’univers fleuri de lumière, tombe sur moi. *** Attendant les chants Pic-bois Bruant Bruant Pic-bois L’épervier de ma mémoire Survolant la forêt Et fondant sur moi De ses ailes déployées Voilà comment l’univers À toi se tisse et que tu te tisses à lui Voilà comment je fonds Sur toi, baisse-toi Pour ne pas que mes serres t’arrachent La tête de ce monde Baisse-toi, fais corps avec la terre, l’eau, l’air. C’est moi le feu et non tes machines, tes procédés, tes montres, tes œuvres d’explosion, ta dynamite, tes nitrates. C’est moi le cœur qui bat, cette mémoire incorporé dans chacune de mes cellules de tous les passages, les tempêtes, les rocs et les vagues, modelé des intempéries, des morts et des vivants, depuis si longtemps, si longtemps, tous ces évènements dans ma peau et mes muscles m’ont façonné et c’est la mort que je te dis. Ces évènements qui sont passés avec toi, sont là dans ta chair vivants comme moi dans cette forêt qui fond sur toi avec moi. *** Ce qui trace une ligne enchevêtrée aux autres lignes, une marche dans l’immobilité feinte du lieu, tout cela tournant, spiralant, dans une mémoire, à peine perceptible, tissé à soi, aux arbres, liés aux cailloux, aux danses de lumière, là où l’astre, comme en haut, est projeté avec nous, dans ce tournoiement espéré, les lignes se croisent, m’entourent, m’enrobent et me dérobent avec la terre de la forêt dans mes pas, mes pas qui teignent la forêt, les fils de ma joie. *** Fluctuations du vide quantique La nature a horreur du vide – il n’y a pas d’horreur du vide, mais que le vide soit tissé à mon corps, le soutenant en quelque sorte, en soit fait, n’est pas horrible, mais hallucinant. Où est le vide, quelle est sa dimension? (constante de Plank) *** Marche faite de ce vide en forme de broussailles traversées d’énergie, fluctuant, synchrone et asynchrone à la fois, où le chant gravite et féconde le paysage de mots, de lettres, bouillonnant à même ma peau et dans mes os! *** Émergeant des lignes De broussailles et de branches Enveloppé d’elles Puis extrait Dans sa marche Se coulant en elles Dans leur enchevêtrement dessiné Le corps en sueur monte Il voit la tête des arbres Les modulations du sol et de la forêt Autour de lui Un signe une présence, un obstacle Un promontoire où les roches Qui affriment le passage des glaciers Qui furent errodées puis humus Là la forêt croit Il émerge dans une autre lumière Pour voir son trajet et la forme de la forêt Il avance sur la crête Et ainsi ajoute ses stratagèmes et l'amplitude de sa marche *** Dessin 3 Surplomb ( voir image en bas du texte) Passé le chemin, un monticule, dessiné en surplomb, pour aller plus loin, puis tourner vers la droite ( à droite un dessin). Est-ce que le dessin épuise et raréfie les mots? Ses lignes sont ce qui m'enrobe, à l’affût des traces reconnues dans le paysage, des repères de mes déambulations antérieures. *** Si je dessine le lieu ( de ma mémoire), je le tisse à moi, et je me lie à l'énergie de ses lignes qui m'enrobent un instant. Dans le dessin, je suis invisible. Je disparais, enrobé de feuilles, de branches, de lignes qui m'entourent, définissent mon corps, puis je me délivre de ces lignes, j'apparais, mais invisible. *** Au Pays-bas les ingénieurs admettent que les digues ne seront peut-être pas suffisantes, qu'ils devront abandonner des terres à l'Océan, qu'elles deviendront salines. Des vestiges de ces terres englouties d'un autre âge, grottes autrefois, sous la mer de la dernière glaciation. Quand l'Europe était de glace, aux rivages, la mer retirée, leurs pêches, leur art, leur vie. Aujourd'hui nous croyons ( moi? eux? ou tous?) que l'état pourra construire des barrages contre la montée des océans. Montée des eaux que l'on peut mesurer, mais dont les effets sont incalculables aux rives de New York, Miami, Singapour. *** Du surplomb, de cette petite colline ou monticule, le sol est sec, les cuvettes, les marécages, les ruisseaux peuvent être vus, évités, en ce passage lumineux où la tête peut se lever un peu plus vers l'horizon entre aperçu au printemps, donnant une certaine aisance à la marche, dans la végétation un peu plus clairsemée. *** Le corps apparait Inextricablement lié au vent Aux rochers contournés Au sol des pas Dans sa respiration Hors le silence dans la marche Les bris de branches, le froissement des feuilles aux chevilles S'écouter détruire le silence ou être des bruits de la forêt N'étant plus dans cette nature fantasmée Dans un dessin ou une page écrite Étant ici, dans ce tourbillon, cette effervescence des lignes Ouvrant les yeux Ressentant l'enchevêtrement des arbres et des branches en moi Pour apparaître, tel un corps, hors ce dessin, dans les mots *** Les écoulements sur le sol, des collines, au monticule, vers la cuvette, se prolongent, ruisseau débordant au printemps, sol d'eau et de boue, vers l'étang. Au sortir de l'eau, comme le corps, issu de l'eau amniotique, dans l'air, des autres eaux, le goût de salin. *** L'eau dans les creux, contre les rochers, se déplaçant dans la même direction que le marcheur, si lentement. Des épisodes de l'eau : ce corps. *** La tessiture de la voix dans la tessiture du sol, à l'orée du ruisseau, pieds mouillés, où se dérober, le ciel a passé des messages aux mains, les roches tombées tendent leurs gongs de fougères, lisses de sons, entourées d'arbres lancés vers la lumière, mais proches du torse. *** L'enveloppement du corps par l'eau. *** La question du temps reste présente. Y a-t-il une autre perception du temps en forêt, relativement à la ville, mécanisée, où le temps est compté en déplacement et mouvements de machines, en montres, en horloges téléphone, où le compte de temps est partout présent. Dans la forêt, chaque vivant a son temps (en ville aussi, mais la forêt et la nature recèlent un très grande diversité de source de temps. une abondance des espèces que ne recèle pas la ville. Chacun de ces vivants a sa ligne d'évènements qui lui est propre. Dans un espace donné ( espace-temps) la trajectoire des choses fixes, rochers, terre, arbres, s'immisce dans celle des vivants mobiles, avec leur énergie propre. Les émissaires du temps sont le soleil et la lune. *** Dans le paysage dit immobile, mais changeant, l'eau en mouvement, le mouvement de l'eau. Dérobade : L'eau se dérobe à mes pieds. Je me suis dérobé de cette eau, ce qui m'entoure est une eau en dérobade, où je plonge (-comme un castor), puis j'émerge. Émergence du paysage, de son eau, mon corps lustré, en résonance. L'onde de résonance au lieu. L'émergence du corps qui répond, se mobilise, plonge un autre fois dans la densité des langues des vivants , puis respire, comblé de ces eaux. Un enrobage de sons, l'immixtion du vivant dans le vivant à l'affut du moindre mouvement, du moindre bruit, de la moindre perception, pour orienter les lignes de vie. L'eau qui coule est le modèle de l'espace-temps, mais l'homme ne bouge pas dans le fleuve du temps. Il est une ligne de temps dans le mouvement des lignes de temps de la terre. Il est un Terrestre. *** Le terrestre est un désir, émerge du désir. Il est un trait parmi d'autres. *** L'énergie donnée par le soleil rend possible le vivant, par période de jour et de nuit. Sans lui pas de vivants. D'où vient la sensation d'un temps apaisée en forêt? Du silence ( celui des machines?), de l'absence de compteurs du temps? Malgré le foisonnement du vivant. *** Dessin des boucles Boucles de la stupéfiante vitesse De mon corps projeté Les étoiles n'y peuvent rien de leur passé Avec les arbres et les pierres En spirale autour de moi Épaule à ce tournoiement Ni chanson, ni silence l'espace Tourbillons des trajectoires Boucles de vie d'un autre vivant Proche ou lointain en sa spirale Léger papillon de nuit *** Déplacé dans le passé de l'univers, au présent de nos vies, nos lignes en rencontre, en dissonance, en accord. Des vivants, les trajectoires. Une respiration de l'univers, une conséquence de ses lois. Elles nous donnent, nous offrent, les uns les autres, les uns avec les autres. *** Une fois terminé le dessin devient immobile, le poème poursuit sa course. *** De l'eau qui compose mon corps, de l'oxygène qui me permet de vivre - me donne son énergie- du cycle de l'eau et du carbone, ce qui m'incite à donner mes restes à l'univers, moi qui me nomme terrestre, dans tous les cycles, celui de la terre, celui de mon orbite, celui de mon étoile, de ma galaxie, sans cesse en mouvement. *** Mouvement spiralé, si dolce y el tormento, Monteverdi. *** L"eau dans la bouche pour façonner un homme ou une montagne, cette terre de roc et d'humus, de fer en fusion, les milliards de vivants du sol que je foule, la mollesse de la boue aux pieds, les vers, les innombrables insectes, fugues d'eau aux abords des ruisseaux, à peine un courant, qui mène à l'étang, mon corps imbriqué à mes mouvements, à ceux de la terre, et à des milliards d'étoiles de la galaxie, et cette eau non pas comme un miroir, mais une mémoire de ses présences, de mes trajectoires, de ma dissolution. *** De l'eau à cette terre, respiration, une autre respiration, dans la succession des mouvements et des transformations, dont l'eau est l'image. *** Où l'eau, pas de marche, contre-point, où la marche bute, contourne, lieu vide de la marche, c'est pourquoi : marcher sur l'eau, marcher sur le ciel.
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L’inachevé de la joie – 30
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Angleterre, Cornouailles, Rivière Trevillet, Tintagel 50.67395398063006, -4.729951084657196 De la spirale, ruisseau jusqu’à la mer, la falaise. De la spirale, sur la pierre du ruisseau, eau vers l’Océan, lieu du retournement, où la parole devient. La spirale de pierre Est-ce que je peux échapper au sens? La rumeur est le vent Qui va à l’Océan *** Spirale d’un autre temps En ce lieu aux agencements de pierre Et aux remugles du ruisseau Gravée au ciseau Et coule Se prolonge le lieu en moi Le long de mes vertèbres et de mes mains Vers l’océan des pierres amoncelées Oscillement d’eau La spirale retourne aux cours des courants Amorce avec le paysage sa révolution Qui fait de l'Océan le battement de la prairie Où le ruisseau gruge jusqu'à l'échancrure Mes mots vers une marche Où je respire de la bruyère le soleil Mon corps dans la lumière qui flambe Cherchant de l'Océan le retour Dans mes os et mes muscles Surpris de la vélocité de l'eau Sur la pierre qui donne au lieu la spirale ** De la spirale, le sentier, indice, pour ceux qui l'ont tracé, d'un passage, d'un rendez-vous, d'un départ, dans la prairie, où tourner son regard, vivre une autre fois une autre descente, un défilé d'herbes, un fracassement de vagues, une plage, au-dessous de la falaise où le bouleversement de pierre du ruisseau rejoint le salin, où les deux paumes s'ouvrent, les oiseaux se détachent du promontoir pour aller plus loin, avec la brume ou la pluie, dans les éclaircies magnifiques de la mer. *** On pourrait dire que les mots ou les phrases possèdent leur propre entropie, et que l'agencement des mots et des phrases, le contredit, l'annule? Ce miracle de l'art, cette fixation de l'entropie, sa suspension? Ce résultat si semblable à l'éternel. Non pas qu'il l'imite, mais le laisse image, l'immortel et l'éternel, évidemment, que l'hominien invente, a inventé. La spirale des mémoires, enlacées aux paysages, les lieux définis et redéfinis avec le regard et les sens, leurs sons, leurs voix dans chaque voix. La joie en spirale dans chaque lieu. *** Peut-on dire que malgré l'engloutissement, la dévastation, la spirale de changements climatiques amorcée, l'humain reste le même? Cet homo sapiens des errances, de la chasse, des peintures sur la pierre; cet humain du travail de la pierre et des champs. *** Il n'y aurait qu'une seule fois, celle de la création que la spirale indique? *** La spirale, près de Tintagel, annonce des rendez-vous secrets au ruisseau, jusqu'à la descente, où l'Océan emporte, falaises, cavernes de mer, roches noires, pour une société mystique ou occulte, des rites, tout simplement ou au moins, la beauté du torrent, et sa conséquence, l'Océan. *** Précipité de broussailles Tourne vers mon visage La lande esquissée des sels Quand le son des vagues franchit la muraille Où le vent des embruns La marche aux pierres dans le sentier Jusqu'où le visage disparaît Le lent soluté de la prairie Indique l'endroit de sa dissolution Le ruisseau creuse la spirale de l'eau S'invente des eaux qui ruissèlent Contre le corps des marches Pensées de fleurs et d'odeurs La côte escarpée offre des vertiges La lande donne sa douceur et son emportement Une autre vague lointaine Oui le ruisseau se tourne vers moi Pour que j'arpente ses désordres en torrents Leurs vrilles d'eau me joignent à leurs Océans De tous les pas il reste le paysage En mes mains additionnées aux falaises La terre me supporte de nouveau Je vais à partir des broussailles Imaginer la mer puis après la chute finale Être avec la plage et les falaises un autre chemin Le sentier peut se répéter et tourner à nouveau Mon regard vers la mer Ne pèse pas la pierre Révèle la spirale Me conduit par les pas des autres aux eaux Chaque odeur et les couleurs orangées Les herbes hautes penchées au vent Pour que l'océan puisse se poursuivre en moi.
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L’inachevé de la joie – 29
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Studio Cormier, Chemin Sullivan. Bassin, lle du Havre-Aubert, Iles de la Madeleine, Québec 47.221142074439946, -61.930713518054404 L’écriture de la mer ( pas ses vagues) Mouillées ( plumes) Eau qui goutte (grillons) Reflets ( à mes yeux) Herbes un peu balancées ( la rosée) Marée ( Vent) Bruit de frigidaire (électricité) Navire (Navire) Passagers ( Îles de la madeleine) *** Est-ce que je peux écrire à la mine? Je ne sais pas. La mine est effaçable, l’encre est soluble Dessiner et écrire à la mine. La plume a été perdue temporairement. La mine du dessin devant le paysage dessiné. Joie pleine de la mine, la splendeur du ciel comme à chaque instant, le ciel des îles. Herbes jaunes ou brunes, se balancent, mouillées. Une frange de lumière où l’eau érode le ciel. L’aiguisoir emplit sa fonction. Écriture plus lente de la mine. Dessiner en même temps qu’écrire? Dessiner n’est pas écrire, mais écrit le paysage. *** Qu’est-ce que la poésie? Surcroît d’être ( Reverdy) et transsubstantiation, activité littéraire spéciale au sujet de la condition mortelle ( Malpoix), ou Tout est poésie ( Tu Fu). Eau claire, méandres enserrant le village Longue journée d’été oû tout est poésie Tu Fu Pour Reverdy, le deuxième vers est archi-faux, la poésie est produite par l’homme au-dessus du néant du réel. Malpoix nous renvoie à l’existentialisme qui serait propre à la poésie. Face à la condition mortelle, celui-ci énonce une versification qui montre les limites ou non de l’homme et de son langage. Mais il n’y a pas que le poète qui fait face à la mort, à l’aporie du sens. Le poète ou l’écrivain est celui pour qui investit la langue comme un phantasme ou de ses phantasmes. Pour moi : phantasme d’être au plus prés du cri, de l’émergence, de la première parole? Ou phantasme d’une langue si transparente qu’elle serait de la nature? Ou d’une langue qui serait en fin de compte un obstacle a toute communication? Pour moi la poésie demeure dans un indécidable? Face au mystère. Est-ce que la littérature accompagne la vie ou la transforme? La poésie est une transformation du monde. D’un univers qui est aussi fait de ses destructions. Comment incorporer dans le poème cette destruction de l'univers de galaxies, d’étoiles, de planètes, de planètes entières de vivants? Il faut bien le reconnaître, s'il existe de la vie ailleurs, cette vie est régulièrement détruite par des explosions d'étoiles, des déflagrations de galaxies. Les lieux sont détruits, les trajectoires des planètes affolées, les soleils décapités. Ainsi entre l'inerte et le vivant se joue une partie effrayante qui nous dépasse complètement. Le vivant est le produit de ce que l'on appelle l'inerte, mais les masses d'énergie présentes a tout instant saccagent ce qui l'univers a mis des milliards d'années à construire. L'univers est-il informé de cette destruction? Est elle est enregistrée par lui? D'autre part la notion même de mort, de désarroi face à la mort, est supplantée par une angoisse de la destruction par l'espèce elle-même de ses conditions d'existence. Le changement est important il déplace l'angoisse du je vers un nous toujours difficile à cerner en poésie. *** L'eau salée à la bouche, dans la transparence des eaux de la dune du Nord. Oû le sable s'amasse, gonfle en monticules depuis des centaines d'années entre les îles de la Madeleine, où les falaises se matérialisent en sable, deviennent plages. Où les plages sont échancrées des violences de l'Océan. La douceur et la force des vagues de l'eau saline chaude. Y nager. *** Le ruban mobile de la dune La souple ligne de la plage défaite et refaite Les attaques des vagues et du vent forment la dune et la détruisent Le lieu flou et mobile de la dune sous mes pieds, son sable sur mes pieds déplacé par le vent, les marées, les grandes tempêtes. Chaque mouvement de l'eau enregistré par les particules de sable. *** Des souvenirs émergent de la dune de l'ouest Le soleil est là, tremblant sur les îles Vent doux et souple du matin Mauve *** Je ne trouve pas le point d'inflexion des dunes De l'ouest Dans ma langue Du haut des buttes Leurs lignes et courbes Modelées par blessures et joies Les pieds dans le sable Sur le bord où l'eau rejoint le sable Aller très loin Jusqu'à une méthode de dire l'éphémère Du vol et du bonheur Où le sable finit Où l'océan le forme Et ne commence pas La joie est une plume au vent *** Je ne peux plus faire l'éloge de la fuite. Au lieu, ici, ( où j'écris le lieu iles de la Madeleine) demeurer. La demeure, en une ville, où la chaleur, la suffocation. L'affronter ou fuir. J'ai pensé campagne et lac. Du lac je ne vois pas l'horizon. Désormais notre horizon sera l’Océan. Son gonflement, sa destruction, ses bourrasques, ses violences, sa beauté. **** Le lieu imprécis du sable, le lieu de vent à la crinière de sable, le vent, soufflant vers moi, me poussant comme lui, vers ailleurs, animal furtif. *** Je ne discuterai pas de la forme que prend le vent quand je suis sur la plage. Je ne serai ni immobile ni vindicatif. Comme présent au soleil qui me dessèche. Non pas encore carcasse et os. Agissant avec l'eau, les vagues muent le sable avec force. Contre lequel je ne suis rien. De ce rien des mots, la nécessaire chute de la falaise dans l'érosion du souffle. Un soupir. *** La lagune bleue en moi Au-delà des hautes dunes Au-dessus d'elles Istorlets crieurs L’eau calme des retours L’émerveillement des ailes Des herbes penchées à peine d’un vent doux La montagne au loin Contre le bleu foncé des marécages de l’apaisement Entre le son des vagues et les eaux à peine ridées Les oiseaux en danse pour les libellules et les mouches S’élanceront vers la mer pour d'autres proies. Pendant que je resterai sous le soleil à attendre *** Les échoueries de plastique Fleurs sur nos tombes. Que les oiseaux avalent. Ils garnissent la terre de leurs plumes Pour notre histoire de déluges et de sécheresses *** Sur la plage, galets. Échouerie de bois billots Échancrures de dune pour le regard vers la lagune Déplacement des roches, des bois flottants, des débris de jour en jour, de semaine en semaine, sur le sable Plage sinueuse modelée constamment des vagues, orages, tempêtes, automne, été, hiver. Courbe de la rive avançant ou reculant, s'adoucissent ou s’ouvrant Plage avalée maintenant descendante. Sable mobile sous les doigts, sans presque de résistance. **** 2022-09-23 Iles de la madeleine Bientôt l'ouragan De l'ouest et du nord. (Les hôtes d'un contretemps de vent) Les hautes dunes contre tant de rafales Plage repoussée, échancrée Les résistants du vent Cherchant un silence entre les sifflements La destruction immobile sans âme Pour taire de cet univers la force aveugle Frappant comme un destin (l'aveugle élabore sans nous notre destin) Univers contre nous et avec nous à parts égales De notre mort et des vivants Plus de vies et plus de destructions Sur la dune de l’ouest Les oiseaux se terrent dans la lagune Attendant notre éveil, la fin de nos angoisses, de nos inquiétudes Face à la beauté destructrice de l'Océan (Nous commettons tous les crimes, nous offrons toutes les résistances) *** Si l’univers est perçu par l’humain comme cette force externe inéluctable, qui est extérieure et imposée, il en est ainsi de la mort. La mort apparaît comme le vide. L’univers n’est pas ce pendant extérieur à nous, nous en faisons partie. De cette force, l’humain occidental, en fait un être extérieur, dieu ou nature. Cet être ou essence lui impose la mort. La mort et la destruction aveugle, sans plan, ni prédictibilité est intrinsèque à l’univers et ses mouvements. Au lieu de voir la mort comme une des lois de cet univers, l’humain se dissocie de lui et de la mort, comme il se dissocie de la nature. Habiter en soi cette force de l’univers, elle n’est pas une illusion. Notre joie d'être au monde est corollaire au vide que nous laisserons. Du vide de notre présence, d’autres joies, d’autres destructions, d’autres vides émergeront. *** Où je coule avec la mer Inlassablement Devenir ce que je ne suis pas D’un sable a l’autre Chaque jour d’univers Vers une autre plage Une autre montagne Une île façonnée avec le vent Qui coule dans la mer et revient Quand je marche aux plages échancrées Les crêtes de leurs dunes assoiffées de rafales Quand je me baigne avec les lançons Tournoyant dans l'irrespirable *** La dévastation de plus en plus cruelle des plages, des falaises, des berges. Prairies inondées, routes sectionnées, terrains grugés. Homme et femme debout et en pleurs. Ouragans qui nous métamorphosent. Nous qui leur avons donné l’eau et la chaleur pour nous détruire. Gaia n’est pas un mécanisme, mais un tremblement qui change d’amplitude avec nos actions, qui nous répond, nous qui croyons qu’il n’y a pas de réponses ou qu’il n’y aura pas de réponse. 2022-09-17 ****
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L’inachevé de la joie – 28
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Place du Trocadéro, Paris, France
48. 86302, 2.28709
Ici aux Îles de la Madeleine
Le Trocadéro
Place où les yeux reçoivent la clarté
Du jour de Liberté
Où l’acier se troue de flamboiement
À un pas de la résistance de l'homme
Contre ce qui le déporte
Là-bas, au Trocadéro, Musée de l’Homme avec Germaine Tillon
À un pas de moi dans les îles
Le rocher, les vagues, les istorlets, les mouettes
Au loin les baleines, l'écume des vagues
Sur toute l’étendue vibrations claires
Jusqu’aux confins la voix acadienne au son de sa langue résiste
Maintenant l’aurore pulse tous les sons vers moi
À l’écoute de la foule du Trocadéro
Le regard effile l’île jusqu’au désir
De battre avec le cœur de lumière des résistants
***
Étendue de l’horizon où le vent semble s’engouffrer
Contre la résistance des choses humaines et non humaines
Des rochers aux maisons
Place du Trocadéro, Musée de l’homme
Où la résistance a parlé
Jusqu’aux limites du regard où les nuages plus blancs
Assoient la mer sur ses déferlements
Le faite de la tour Eiffel disparue dans les nuages
De ces babils de millions de touristes
Ils ne savent plus ce qu’est la langue de la résistance
De l’Océan contre l’Océan, mais avec l’Océan
Jusqu’aux creux des rochers où se sont naufragés les marins
Pour dire les iles d'Acadie
Au musée de l’homme Néandertal a un visage presque jovial
Il ne réside pas plus dans les cavernes de mer
Il laisse une légère rumeur sur le Trocadéro
Où l’on voit la flèche d’un autre âge encore debout
Oubliant que l’océan dévoilera nos restes
****
Ne corromps pas la terre
Le regard que l’eau lui porte
Il la brise en monceaux en sable
Résistance en vain contre la tempête
Éclats de sel sur la roche
Cercle de l’eau exhibant la Terre
La paroi qu’est le ciel et l’horizon
Change si souvent de main
Que je crois que l’orée du nuage goûte pour moi la lumière
L’Océan n'est pas un lieu pour vivre
Sur ces îles le vent n’apporte pas la rumeur des hommes
Se pressent les uns contre les autres au Trocadéro les touristes de leur âme
***
Les vagues par où passent les lagunes et les fleurs
Intempéries d’obstacles et de nuits
Au chevet du silence embusqué qui meurt
Cent fois, mille fois des mêmes eaux de sel
Eau des roches et des salives
Emmêlés aux poissons et aux algues
Ce qui ne peut se nommer humain
Glisse aux confins des visages
Une espèce laisse une trace qui ne peut-être enlevée
La vague en résistance la pousse
Aux rivages des défaites
Le sort n’est pas jeté
Ce qui vient de l’eau retourne a la terre
L’exclamation sur les places et les rendez-vous
Ne peut cesser de croître avec le fer, le plastique, le poème
Le déferlement des vagues accourt
Pour broyer les élégies, les photographies et les mots
***
L’Océan est la place publique des vivants
Non pas rectangle, mais circonférence
Tourne autour de moi au calme du vent
Les bassans points jusqu’au bout de mon regard
Dans l’attente, en repos, d’une plongée
Où les humains ne marchent pas
Et les cris des courlis courlieux, les pépiements dans la plaine des bruants
D’où mon regard inachevé vers la place publique des vivants
De plus en plus clairsemés
En attente de nos arrêts et de nos respirations
Ma lenteur assise avec la lumière
Elle verse avec moi les demeures simples de l’eau
Les récits électriques des nuages en soulignent l’ampleur
La quiétude du matin ajoute les sons des battements d’ailes
Au souffle lointain qui émerge du cercle
Attendre avec les rochers les gerbes d’eau salée et les plumes
Confondu aux écailles des poissons
L’étendue est calme
Les morts semblent sans existence
Les vivants s’assemblent malgré nous
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L’inachevé de la joie – 27
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Sentier des écoliers, Kamouraska, Québec 47.654400054973806, -69.73266077051827 En ce lieu, penser que le paysage est sa mémoire, mémoire qui se fait, enregistrement des modifications, altérations, émergences, incidents, végétation, vie animale. Le paysage est la forme même de sa mémoire, mémoire en action, en sa diction qui me dit. *** Le sol de cette joie : l’eau . Je retrouve ma respiration. Quelle respiration? Celle de l’arbre, de la plume. Deux cardinaux se répondent, la plume à la page, la respiration du sol dans les côtes, le fleuve immobile en mots pour pavoiser la lumière, le trouble d’un grand poisson qui saute. L’univers me le donne, me permet cet air dans les poumons, ces muscles, ces os; ce que je suis le respire, de son abondance que nous confisquons – qui nous confisque. Nos déboires, nos immolations, nos déroutes, nos dilapidations ne font-ils pas partie de sa loi, tout comme notre respiration?
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L’inachevé de la joie – 26
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Emprise d’Hydro-Québec,voie ferrée du Rem, Montréal, Québec 45.51420522949176, -73.73545492099349 Temps réel de l’écriture. L’écriture - l’écrit - apparaît comme un temps alors que c’est un lieu ( ici actuellement). Un évènement disséminé. L’emprise d’Hydro-Québec longeant le chantier du Rem. Herbes mouillées sur les jambes. Souliers trempés. Flaques d’eau. *** Sentier de terre façonné par les cyclistes, voulant circuler sur l’emprise d’Hydro-Québec, le long de la voie ferrée du Canadien Pacifique, devenue propriété du REM. *** Hautes herbes blanches de leurs fleurs. Les frôler, les sentir jusqu'aux épaules, en cet été 2022, l’abondance toujours possible contre nous. Elle devrait nous étouffer. Elle devrait passer à la vitesse supérieure, à une autre abondance, issue des étoiles, des vivants, pour nous faire abdiquer, nous obliger à nous retrancher derrière nos murs avant de les gruger, de les abolir, nous envahir de leurs odeurs, de leurs fruits, et de leurs poils, de leurs muscles. Le long des nouvelles voies du chemin de fer à poutre de béton et électrifié, je voudrais qu’elles soient l’attente d’un envahissement, une veillée calme de nos défaillances à venir *** De l’image de James Web, celle de l’univers, en moi, avec ces fleurs me frôlant, jusqu'à la lie, la force et l’intelligence des humains dans ces yeux de métal, capteurs de sensations et d’énergies que nos corps ne possèdent pas. La question se pose de nos machines, de ces extensions de nos corps. À bicyclette, pendant que je passe dans ces champs, avec cette machine, à un million de kilomètres, James Web enregistre les fulgurantes énergies pour qu’elles soient vues, revues, analysées, enregistrées par des machines et relayées dans nos mémoires, inscrites dans nos savoirs, pour déployer notre représentation de l’univers et de ses lois. L’univers connait-il ses propres lois puisqu’il les met en œuvr? Nous sommes issus de ces lois, de leur aspect inexorable et de leur application créant l'aléatoire et l'ordre. Réflexivité de l’univers sur lui-même, conscience l’univers par lui-même, de la même façon que les fleurs que je frôle enregistrent ma présence, quand je ressens le contact de leurs effluves. Le télescope reçoit l’énergie de l’univers, la recompose et nous la redonne. La poésie dans cet univers est un acte minuscule, insoupçonné et espéré inédit. *** Penser dans les sentiers d’eau. *** Des fleurs arrachées au paysage Un sentier tracé de roulements et de pas répétés Hautes fleurs blanches jusqu’aux épaules Émerveillé et agacé de leurs présences En poursuivant le chemin Où elles croissent, merveilleuses Contre mon torse, de la vélocité du bicycle La force des fleurs De retour sur ce chemin Va-et-vient vers le travail Le long de la voie ferrée Je traverse Sauvage,la friche Liberté de passer où il n’y a encore qu’un chemin de terre Pour les renards et les bernaches Entre les herbes qui mouillent après la pluie En contournant les flaques d’eau ou de boue Les grenouilles dans les petites mares disparues maintenant Le chemin de terre est ce qu’il y a de mieux pour elles Autour de moi des herbes, des arbustes, des animaux Je les accompagne *** En entrant dans le paysage, je l’altère. Il faut savoir, apprendre comment entrer dans le paysage et l’accompagner, le dire en le modifiant, nécessairement. L’écriture et la poésie sont une façon d’y arriver, par le souvenir de paysages. Par exemple : Côte de la Gaspésie, coin du banc, en ce moment. *** Les paysages que j’ai fréquentés peuvent être écrits, mais je ne peux noter toutes leurs itérations. Ceux que j’ai parcourus à intervalles réguliers comme la traque ou le chemin de l’emprise d’Hydro-Québec, je ne peux dire toutes leurs modifications. Pour la première fois de si hautes herbes, le Rem en chantier, un pont en acier pour le train. Bientôt le bruit constant du passage des rames. Un certain silence hier pendant les vacances de la construction. Les fleurs qui collent peu à peu sur mes jambes, sur mes cuisses. Le bonheur tout de même de ce chemin, puis plus loin, le Boisé de liesse, en un sens magique, et son ruisseau.
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L’inachevé de la joie – 25
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Bureau des Herbes rouges, rue Ontario, Montréal, Québec 45.519260963818695, -73.56327259554946 2022-05-28 Le poète peut produire n’importe quelle forme, s’immiscer dans tous les objets et les vivants, et les dire. Je suis le lançon dans sa horde, qui bouge au moindre courant, je suis la vague jusqu’au sable, qui tire vers elle la falaise, je suis l’univers qui explose en milliers de fragments, on dit que ce sont des atomes. Il peut dire que c’est encore lui, cet anonyme processus qui a dilapidé son nom. En ce sens, le poète est un animiste d’un genre particulier. C’est le langage qui est la matière de cette âme qui lui permet d’animer et de prendre la place de la roche, du poisson, de la louve ou du lion. *** Le son est une onde qui se propage dans l’air. On dit donc qu’il n’y a pas de son dans ce que l’on nomme l’espace : hors de notre écosystème. Pas d’oreille non plus. Un silence qui ne peut-être entendu, parce qu’il est impossible que le corps humain soit exposé è l’espace que l’on nomme aussi vide sidéral ( le plein serait alors notre planète - où nous devrions vivre dans sa plénitude). Un espace ou vide (appelé aussi le vide sidéral) parcouru d’ondes dont une partie est bloquée par le champ magnétique terrestre. Ainsi le fer qui résulte de la fusion atomique constante des étoiles est-il un des éléments essentiels à la vie, telle que nous la connaissons. Dans cette vie, l’air et les sons, la respiration de l’oxygène. *** Leg du silence de Marcel et François Hébert, dans une pièce de verre, où leurs visages, me parlant, moi qui les crois fiction, font basculer ma vie dans leur visible. *** Ainsi je me suis mis à courir de tout mon cœur sur la rue Ontario. C’était le début d’un récit que je voulais sans fin. Aux vitres poussiéreuses, la lumière jaunie, pour leurs visages. Les deux fumant, assis, penchés sur les mêmes mots que moi. Sur la rue Onario, leur rue, la porte rouge, l’ouvrir. Entrer dans leur transparence amie. *** Une partie de leur histoire se donne avec mon histoire. Le long du trottoir et de la rue Ontario, enclave du pauvre, corridor de bonheur pour moi, sa légèreté, sa crasse, au seuil de la décrépitude, dans ce quartier que l’on nomme le Centre-Sud. La rue Ontario est une rue nécessaire, une voie du passage, elle permet de se dissimuler et de vivre, à souffle court peut-être, mais de vivre entre la Catherine et Sherbrooke. Par elle j’entre dans la vie des Herbes rouges *** S’offrir en sacrifice, se sacrifier pour les autres, telle serait le travail de l’écrivain. Il n’écrit pas avec plaisir, mais dans la douleur. Dans cette expérience douloureuse, l’ultime sacrifice serait celui de sa vie pour les autres? Voilà un parcours christique, sacerdotal, d’où la joie est exclue. Pourquoi un individu , un corps poursuivrait-il une expérience qui ne lui donne aucun plaisir, aucune joie? Pour moi, l’écriture est exaltation, joie, jubilation. Joie de la création, joie de la découverte, joie de l’expression. Pour moi l’écriture peut-être fluide et sans contrainte. Personne n’a jamais obligé quelqu’un à écrire, surtout pas pour les autres. Je ne crois pas que l’écrivain écrive pour un lecteur, ni même pour des lecteurs, on pourrait donner des exemples. Donner à l’écriture un but social est périlleux et risque d’indiquer une mauvaise piste. Là est peut-être le scandale - l’on veut toujours ramener l’écrivain et en particulier le romancier à un démonstrateur et un démonteur. Pour moi tout artiste déploie avant tout un imaginaire et pour ce qui est de l’écrivain un imaginaire de la langue. C'est l'entrée en scène de cet imaginaire de la langue qui est une action sur le réel. On a là deux processus anonymes, deux absences qui ne se parlent pas directement. Il est de même aussi pour d’autres formes d’art. Parce qu’il est écrivain, un individu, se donnerait la mort ou se serait donné la mort en fonction de sa relation à l’écriture. J’estime pour ma part que l’écriture et l’art ne guérissent pas, que ce ne sont pas des thérapies, mais je ne peux savoir les motivations intimes de ceux qui se donnent la mort. On a souvent dit que l’écrivain écrivait face à sa mort. Pour l’artiste, comme pour tout humain, le choix de son rapport à sa propre mort est crucial. En même temps, il impose à l’artiste un plus grand détachement, une ascèse face à la vie. Ce retrait existe réellement, mais c’est avant tout en rapport au social, non pas à ce que l’on appelle l’univers. Beaucoup de commentateurs de la littérature font transiter l’écriture par le social. La littérature dirait une vérité sur le social que d’autres formes de savoir ne sauraient dire. Le roman serait une forme de sociologie supérieure en dévoilant les détails intimes de la vie. Je crois que l’artiste ne crée pas à partir d’une position sociale, mais par rapport à un positionnement face à l’univers entier, une responsabilité entière face à l’univers. Cette responsabilité entière est celle de tous, mais l’artiste l’assume par le moyen de son art et l’art permet de l’atteindre. Pour ce qui est du sacrifice pour les autres, l’infirmière, l’ambulancier, le docteur en font beaucoup plus que l’écrivain. Au contraire, le rapport voulu à la totalité de l’univers, et la jouissance de l’écriture en font le scandale. Dans cette perspective la littérature est un don, qui appelle de la part du lecteur un contre-don, le tout échappe à la logique marchande. *** Avec les frères Hébert, sur la rue Ontario, dans ce cubicule de silence, pour ma première publication, je suis au cœur de cette joie. *** Le sable pour faire la vitre et la transparence à la lumière Les corps qui se regardent Et voient le paysage Tout le sable pour mon corps à la lumière Les plages détruites Les vagues qui brisent Tout le sable qui ne compte plus les marées Tous les fruits de l’Océan pour les cités Tous mes pas qui veulent les couchers de soleil Tout ce qui tremble en nous Au haut des tours ou dans nos maisons Nos spoliations à l’abri de la pluie et des vents *** Un espace de verre est le contraire de ce qu’étaient les Herbes rouges. Un lieu pauvre et les deux fumeurs. L’image d’un rectangle de verre voudrait refléter ma joie, mon désir d’être publié aux Herbes rouges. Être publié aux Herbes rouges c’était vraiment être mis en lumière, être projeté sur la place publique. Au prix de leur définition très large de la poésie, avec leur souci de rigueur et d’excellence. Je pénètre dans un espace de lumière dissocié du bureau des Herbes rouges. *** Le silence du verre vient du sable, de l’Océan. La lumière qui entre dans nos maisons est issue des mouvements de l’Océan. *** Dans la lumière De l’Océan Deux hommes Dans un bureau Pour le poème D’un homme *** Marcel. Sur un paquet de cigarettes, ses notes pour mes poèmes. Voici une vitre sale, assis entre deux hommes, deux maîtres des mots. Savoir leurs silences. Écouter leurs mots. Pupitre beige, assez large, en face d’un mur terne. Grande vitre à ma droite. À ma gauche, une porte et un mur vitré. De là on voit le bureau de Gaston Miron. On appelle cela le temps, ce temps passé. C’est un évènement. Je monte les quelques marches. J’ouvre la porte rouge de l’édifice de briques rouges, rue Ontario. Je corrige avec les frères Hébert mon premier livre publié. Nous sommes dans les locaux des éditions de l’Hexagone, sur la rue Ontario, où Gaston Miron a son bureau .La rue Ontario, entre St-Catherine et Sherbrooke. À ce niveau St-Catherine rue de petits commerces et sur la rue Sherbrooke, petite bourgeoisie canadienne-française. *** Le sol? Quel sol? Le sol où tu poses les pieds ne chavire pas à tout instant. Quand tu ouvres la porte, ce n’est pas que de l’air. La lumière entre aussi par les poussières, par la respiration. La fluidité des gestes, des mots importe tout autant que nos visages penchés sur tes mots. Tu ne sauras jamais tout de nous. *** Faire parler les morts! Mais s’assurer qu’il ne disent pas faux. Ils peuvent s’ils veulent, égratigner la réalité. L’important c’est le désir. Dans la langue le désir passe. En chaque silence, ou sans lui. Le flottement au loin, dans les pas des passants. Des mains, nos mains saisissent nos cigarettes. Voici ce que tu devrais noter. Ce qui empêche. Tous les silences t’appartiennent. Nos mots passeront, te donnant le passage. Les rives n’ont pas que des coques. Les rives tremblent de chaque voix *** Dans mon lit, éveillé, je pense à François Hébert, son visage, son amitié, sa force discrète. A ma table de travail, l’aurore et la vie, issue de l’énergie titanesque des soleils. Cette vie en mon corps. Ce corps comme une enveloppe qui s’ouvre et se retourne, explosant tous ces sons, ces images, ces mots qui affluent vers les arbres, les oiseaux, les vivants. Chant au matin du merle, le premier chant. *** L’acceptation du lieu ( des lieux) mène à la responsabilité totale. Comme être humain, on ne peut connaitre toutes les dimensions, les accidents, les évènements d’un lieu. Seul le lieu lui-même les reçoit en entier, et d’une certaine façon les enregistre, c’est ce qui nous apprend l’écologie, cette transformation continuelle. Dans la ville, l’environnement normalisé des humains, le lieu est déserté de cette capacité d’enregistrement. Les humains enregistrent pour eux et avec leurs moyens les évènements du lieu. Des appareils électroniques peuvent enregistrer certains évènements du lieu, de façon partielle. Certains de ces enregistrements sont des données. Dans les aps des téléphones cellulaires, les parcours des individus dans des lieux deviennent des données marchandisables, récoltables, revendables. Les lieux et les personnes sont transformés en données logées dans les centres de données, virtuels ou non. Le lieu disparaît dans ces données. Il est effacé. Ajout : Dans l’espace-(temps) l’univers a une capacité d’enregistrement des évènements par l’enregistrement par le vivant et les traces du vivant dans chaque lieu. *** De cette transformation continuelle, il faut que j’accepte l’inachevé. De cette joie, il faut que j’accepte la responsabilité totale, de son inachèvement, de sa transformation à ce que je ne serais pas. Je ne peux ajouter d’autres mots à ma rencontre avec Marcel et François Hébert, en ce lieu, sur Ontario. ***
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L’inachevé de la joie – 24
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Plage de l’Anse à la cabane, Millerand, Iles de la Madeleine, Québec 47.219581, 61.993269 Voici le sable Je marche sur le sable Était rocher falaises Se déplace se meut Dans l’eau Sous l’eau Mouvements ensembles Lignes vertes ondulées La main s’avance Au-dessus du sable Une fuite ordonnée Vers le rivage ou le large Tout ce sable autour de moi L'océan modèle Les rochers et les glaises tombées Les lançons et moi en une danse immergée Mon ombre indécise sur le sable En obstacle au soleil Au-dessus des eaux Qui ont fait ce lieu où les lançons se prêtent à mes jeux de lumière *** Contre-poème En plongée avec les lançons Au-dessus du sable À ma droite les rochers d’éboulis noyés Je ne trouve pas l’image Nuage, assemblée, banc, écoulement, rivière, feuillaison, petite nébuleuse Pour cette sensation À l’approche de ma main Leurs fuites, leurs mouvements coordonnés Par la pression de l’eau Argentés verts autour de moi Encerclement, grappe, gaz, nuée, Au large des millions Aux gueules des rorquals *** Je marche sur la plage de l’Anse à la cabane Et gratte de mes doigts la glaise grise et ocre Elle descend de la falaise Et s’amasse en bourrelets à la limite de la plage Au loin le cap et la côte rouge des iles de la madeleine Leurs creux et leurs cavernes où gronde parfois l’Océan J’ai suivi le rond de l’anse Pour pouvoir de mes mains Sculpter le visage qui n’apparaît pas encore J’aime la sensation de froid ductile de la glaise Je me salis les doigts et les paumes Pour offrir à la terre les traits de mes souvenirs *** Projet pour l’été 2023 Dans la glaise de la falaise, sculpter des visages, léchés par la marée haute, emportés par les marées d'hiver et les tempêtes. *** Pour un visage qui regarde la mer et l’écoute Jouit de voir la rive et la côte Et disparaît avec elle Pour un visage qui se souvient de la mer En ses traits qui s’accordent aux marées Qui sait que ses os sont faits d’iles Un visage aux vagues qui montent Terribles et dures contre la falaise Tombé dans l’Océan Quand le soleil ne répond plus à sa voix noyée *** J’aimerais ici même Faire un poème de glaise De ces visages Dans l’eau la glaise se défait Les doigts en elle Elle s’effiloche doucement dans le courant Sa couleur se mêle à l’eau J’aimerais que ce visage d’ocre Me regarde l’écrire De ses yeux vides avides du livre des poèmes Varia Sa couleur se mêle à l’eau et fait une encre J’aimerais que ce visage d’ocre Me regarde l’écrire Avec la couleur même de sa disparition *** La glaise tombe, s’écroule, s’écoule de la rive sur la plage qui s’agrandit de cette érosion et forme une anse plus creuse et plus échancrée. Au haut de la plage, le rivage est de la pierre rouge de l’ile, granuleux, plus résistant que la falaise de glaise. Un ruisseau se jette dans la mer au milieu de la plage depuis longtemps. Si on grimpe par son échancrure on retrouve les prairies merveilleuses des îles. Si je plonge de la plage, si mon visage entre dans l’eau, je vois le frétillement des lançons se déplaçant par milliers dans la lumière de l’été filtrée par l’eau de mer. *** Visages des naufrages Visages de glaise Visages dessinés avec elle en sa mémoire Emportés avec l'île *** De tous les côtés friable Comme nos mots et nos os Ile qui retourne à l’océan Qui ajoute à nos manques et nos mirages Là sur l’eau émergent les dos de baleines Nous ne sommes pas le souffle qui peut faire renaître chaque ile Où sont donc nos nerfs de visages nouveaux Nous emporterons avec nous ces mots qui nous manquent Pour être de la terre et de l’Océan Ce lieu se détache de moi En visages qui veulent me parler Avec les langages oubliés des rivages féconds *** Trois sœurs vont près de l’échancrure du ruisseau pour descendre à la plage. Le ruisseau plonge dans la glaise qu’il a façonnée et s’écoule vers l’Océan. Là au matin dans l’eau froide, retrouver la mer et sa baie. *** Être de son ile jusqu’aux os, par toute la peau, à l’aurore avec la falaise et le rocher qui s’érode, la glaise grise qui se fond à l’Océan lentement comme l’ile du Havre Aubert. *** Trois visages. Deux burinés de mer, et un buriné de terre. *** De la glaise de l’Anse à la cabane, je pourrais faire des visages approximatifs, très approximatifs, des ébauches qui ne seraient pas leurs visages. Ils seront emportés par les marées, comme tous les visages. Penser avec douleur que l’île pourrait devenir plage et se muer, seule consolation, en un sanctuaire où les espèces en disparition s’assemblent, loin des hommes. *** Le vent n’a aucune méthode Pour faire face aux corps et aux voiles Contre la falaise et avec les vagues Il s’applique avec folie S’amourache d’écume et de sable Soudoie la pierre pour qu’elle lui laisse son usure Affole notre raison Ne contient que notre air Enveloppe les iles de notre déraison à demeurer Accompagne la terre et la mer vers son pèlerinage vers nos visages Dit tous nos gestes et nos mouvements qui emportent *** J’emporte les lieux avec moi. Ils ne me retiennent pas, ne me détiennent pas. Ils offrent leur obscurité sans détention. Cependant, les chants d’oiseaux vrombissent contre l’acier des avions et font ma respiration. Je n’ai pas encore toutes mes danses et mes subterfuges, mais les lieux me stupéfient par la mémoire de leurs matières. Et je passe en elles, je me dépose en elles. *** Mon visage dans l’eau pour le mouvement des lançons, m’entourer, m’encercler. **** Les lançons me lancent Et m’enlacent dans l’eau saline Et sa clarté animale S’écartent et se rejoignent S’écoulent dans l’eau coulent Parmi eux En leurs ensembles ouverts Me nommant corps dans l’Océan Avec eux lançons frétillant je m’élance Masse claire qui disperse les eaux devant elle M’enveloppe de ses mouvements Ne se ferme pas sur moi Se rapproche de moi en m’englobant *** Silence de l’Océan ou silence de ma mémoire. Celui de l’Océan perturbé par le bruit d’un moteur, au loin. Celui de mes souvenirs peuplés de voix, de bruits et de chants. Silence à venir et silence de Marcel et François Hébert. De ces trois silences, je trouve une énergie. *** Silence que j’accueille, que j’entends, que j’ausculte, qui m’a été donné. *** L’art n’est que le moyen où l’anonyme que nous appelons artiste, en se maintenant constamment en relation avec une pratique, tente de construire sa vie comme une forme de vie : la vie du peintre, du menuisier, de l’architecte, du contrebassiste, où, comme toute forme de vie, ce qui est en question n’est rien de moins que le bonheur ***
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L’inachevé de la joie – 23
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Collège André-Grasset, Ahunsick, Montréal 45,55109, -73.63272 Les lieux engramment les évènements, les dissolvent aussi, par ce travail de la nature. D’où les traces disparues de nos ancêtres, ou prédécesseurs, hominiens avec usage du lieu. Explorer toutes les résonances des lieux ( de chacun de mes lieux) Ces lieux, ma mémoire de ces lieux, leurs images en moi ( surtout des images) mais des sons aussi, des paroles (plus rares). Souffle - particules en suspension. *** Je dis visage. Quel est le visage de la baleine? A-t-elle un visage pour les autres de son espèce ( pour les hominiens premiers, elle pourrait l’avoir, elle serait un des membres d’un peuple). *** 2022-05-03 Le lieu, ses ramifications, ses résonances, immeuble de béton isolé dans un vaste champ, aux abords du métropolitain. Pas dans ces longs corridors aux grandes fenêtres, solitude. Pas de mer, mais la solitude de la mer. *** Il y avait des humains et de la poésie, pour la première fois. Je nomme avec eux l’amour. Les voix au matin et au midi, puis le silence recherché des corridors, la pleine lumière des fenêtres, leur chaleur. *** Dans la salle d’art plastique vibrante de lumière, aux arches de béton, Refus global. *** Navire déposé à l'envers Sur le parallélépipède de briques jaunes Résonnant béton à la lumière mes pensées Là le livre donné s'ouvre Refus global *** D’une brume d’images j’émerge Regardant par la fenêtre Le métropolitain Balafre de poussières et de bruits Dans le champ le collège au toit vert-de-gris Pour s’enfuir une prairie Pour demeurer le refus global La poésie se dépose en taches colorées Quand elle arrivera, je pourrais habiter Comment cette vibration du Refus global pourrait me parcourir, de son lieu d’énonciation , lointain ou proche, et jusqu’ici, si je veux l’écrire? Une main me donne Refus global *** Du lieu d’où parle Bordas, je l’entends au haut du Collège André-Grasset, dans la salle d’art plastique, voute de béton, où toute la lumière. Pourquoi est-ce ce de la peinture que nous vient cette parole de liberté et de désir et non de la poésie? Parce qu’il s’agit d’un geste vers le sensible. Ce sensible est dans la poésie. Est-elle un geste? Le langage nous conjugue trop souvent à l’abstraction. Les images nous sauvent, en partie seulement. *** Du premier livre de poésie Émergent des visages Après toutes ces années à écrire Saurais-je les nommer Dire leurs yeux, leurs lèvres, leurs cils M’étonner de leurs paroles, de leurs actes *** Dans cette langue Il faut bien le dire De la vie et des désirs De ma vie et de mes désirs À recevoir et à donner Mains tendues non pas à la douleur et au malheur Joie des libertés à conquérir Quand j’entends Borduas me dire son Refus *** Se promener en VU actuellement ou même consommer de l’essence est actuellement de la folie, un geste déraisonnable, hors la raison. Et plus le véhicule est grand, plus son conducteur déraisonne, affiche ouvertement sa folie. À moins qu’ils ne s’en remette à Dieu. Son âme dans une carcasse d’acier très dure et très bruyante. *** Les lieux humains portent des traces de leur construction et de leur destruction. La destruction de ce lieu de l’homme, Mariopolis (Ukraine), par d’autres hommes, dit la nécessité de prendre la mesure de chaque lieu de l’homme dans ce que l’on nomme la nature. Les deux doivent s’interpénétrer le plus fortement possible. L’importance du lieu apparaît ainsi en négatif, de sa destruction. La destruction des lieux de la nature est concomitante à notre vie réelle. Elle doit aussi cesser. *** Chaque lieu enregistre chaque mouvement de chaque vivant, ou des objets en son espace. Ma volonté de faire fi du temps, est ma volonté d’écrire les lieux. En ces lieux, les évènements. Je suis un de ces évènements. *** Cette question de la lumière. Aux connotations religieuses. Il n’est rien cependant ici sans énergie. En ce sens très concret d’un soleil, de ses fissions, de l’inerte et du vivant, par lui, il advient. Logique matérielle inéluctable, bien que la vie ne le soit pas. *** Donc, en ce lieu d’écriture, la lumière n’est que cette énergie, cette force, cette dimension, en partage de tous les vivants. *** En ce lieu que je nomme poésie, ce collège. Cet édifice de briques et de béton, où je rencontre la poésie et son refus global, cette acceptation totale, que je rejette si souvent, qui me fait poète. *** Rencontre de la poésie Rencontre de la lumière Où chaque lieu me donne À l’obscurité de mon corps Respirant l’air des suffocations et des exhalations J’entends des pas, des paroles et j’attends des visages Avec eux je deviens ce lieu *** Où est ce lieu d’une intime violence, d’une intense vie, d’une si grande liberté, d’une force- résistance incalculée incalculable? N’est-ce pas la poésie? ** Mais l’espoir fou? Cet espoir fou de quoi au juste? Je l’ai encore en moi? *** Au lieu du poème Je suis un fragment Qui aspire à sa lumière Elle va me décomposer M’atomiser en ces mots Qui demandent ma destruction Je m’y accorde et aujourd’hui je ne voudrais n’être qu’eau Quand le soleil me frappe en plein visage ce matin. *** Arches de bétons roses Au lieu où la lumière Entre par les pores Pour la révolution des refus Mes doigts dans la glaise Pour modeler un vase bleu Don de mes mains avec l’espace Dans lequel la terre s’alliera au vivant *** De la joie d’écrire Vient le bouleversement Encore les feuilles au printemps Le retour des migrateurs et des vents En une main de tendresse Posée sur nous quand le chant des oiseaux De tous ces matins Illuminent l’air et nous taisent *** La sauvage Nous dit que nous sommes de ce lieu Qu’elle nomme et retient Avec tous les autres lieux où elle passe Elle fait de nous ses habitants et ses voyageurs Quand je me projette et me remémore en elle Qu’elle me donne la terre et les ruisseaux *** Et si l’amour Fait trembler la carcasse de béton Posée sur l’édifice de toutes mes faillites et mes déconvenues De mes certitudes et de mes mensonges *** Bateau inversé posé sur le rectangle de brique jaunes Vibrante de la lumière des hautes fenêtres Au faite de cet univers pendant un instant Où les refus deviennent poésie L’art resplendit de découvertes et de désirs *** Je n’ai pas de méthode Ni de destin Ni de visage Ni de voix Sur l’embrasure d’une fenêtre Je vois Des élèves marcher ou courir Les champs sont proches de leurs pas Je distingue difficilement les silhouettes Où je suis Que le lieu donne De sa hauteur J’entends les sifflements du vent dans les fenêtres Sans leurs voix Le silence m’étreint Abandonné au soleil *** De ces visages Je ne peux parler Ils n’existent pas encore Ils seront dans la poésie Des corps qui s’inscrivent en inventant leurs voix Je ne peux dire bientôt Même en imagination Leurs paroles n'existent pas Ils seront dessinés en courbes fraîches Les visages auront des cils, des bouches et des yeux *** Dans mon souvenir, je reçois Refus global des mains de ma professeure d’art plastique, D. Gadbois. Ce souvenir est-il exact? Je la vois me montrer sa copie de Refus global. Je confonds D. Gadbois avec sa mère Louise, artiste portraitiste de la même période que Refus global. Refus global est-il pour moi du côté d’une filiation à la mère, puisque ma mère était peintre à ses heures, mais à mille lieues du Refus global. Mais l’insistance, peut-être imaginaire, de D. Gadbois à me faire connaître Refus global penche vers une autre suite des choses. En quoi ce que j’écris est-il lié au Refus global? Quelle est cette Responsabilité entière du poète, de l’artiste? On a longtemps présenté Refus global comme un manifeste anti-catholique, en fait il est anti-chrétien et presque anticolonialiste avant que cette étiquette n’existe. Il est bien plus le manifeste d’une responsabilité entière. Cette responsabilité entière que nous devons partager avec les vivants. Les modalités globales de ce avec, qui n’est qu’un mot, mais implique le lieu, ne sont pas encore définies. *** Ajout 2022-05-25 . Décrire le tableau de Borduas vu au Musée du Québec comme lieu. Leurs visages ont leur secret et leurs silences Personne ne dit tout ce que je ne peux entendre Dans ces corridors je l’aperçois Vibrant malgré la fatigue des courses du vidangeur Cheveux noirs et sourcils noirs Corps trapu et fort il écrit de la poésie *** Réverbérations des visages et des mots Dans les salles de classe ou les corridors Bruyantes éclosions bientôt Jusqu’au toit du monde où être Lumière de leurs voix *** Contre-poème J’avance dans le corridor Où je ne suis pas Il semble que l’absence qui me définit Prend ma place Et marche vers un lieu Que je ne connais pas Qui pourrait s’appeler poésie *** Bien plus que la révolte, soif du sauvage. L’autochtone qui a été qualifié de sauvage porte la responsabilité entière de sa terre, de son lieu. D’où cette éternité. Il pense l’éternité des esprits en ce lieu où les morts retrouvent leur vie. *** L’écriture un lieu où rencontrer les vivants. Ces hommes et ces femmes, je les retrouve vivants, en ce lieu que j’énonce, dans son inachèvement,vivants encore. *** 2022-05-16 À partir de mes souvenirs Si je voulais toucher son visage Le modeler d’une glaise De bord de fleuve ou de mer De mes doigts ouvrir ses yeux Former le galbe du nez, les sourcils très foncés Le sourire des lèvres, la force du regard Pour me donner une autre fois a sensation physique de sa présence J'ai fait un vase bleu Je le lui ai montré Il a souri Est-il poète ou décédé? En quelque ville ou près d’un lac Je ne sais où il est Pour lui, je marcherais sur des rivages de glaise Je suis certain que comme moi il voudrait voir un vol de tourterelles
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L’inachevé de la joie – 22
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Séquence 22 Tadoussac, Baie de Tadoussac, Québec 48.135580164736815, -69.71666229927519 À l’autre rive Celle de la mort On a passé déjà Après la traversée légère De l’oiseau contre le vent Il se pose et déjà je respire Avec le salin de l’air En regardant le Saguenay Se fondre au fleuve *** Assoiffé des signes du vivant. Sur les pierres de la rive, striées de rainures, à Tadoussac, pour moi, et peut-être pour tous ces touristes, la même soif de capter un seul mouvement des vivants, hors de nos vies, dans nos mondes mécaniques et rectangulaires, apercevoir l’essor d’un dos lisse de baleine, son corps sculpté (défini) par l’eau, en courbes, son souffle qui délivre de nos suffocations, de nos pauvres respirations dans l’air que nous contaminons de nos déjections. **** Extrait d'un poème de Joseph Brodsky (..) Souviens-toi bien : Il n’y a que l’eau, et elle seule qui toujours et partout reste fidèle à elle-même, insensible aux métamorphoses, lisse, là-bas où il n’y a plus de terre ferme. Et tout le pathétique de la vie, son début, son milieu, son calendrier qui s’effeuille, sa fin et s’évanouit en ridules éternelles, légères, incolores. *** Cette volonté d’être avec eux, malgré que nous détruisons en même temps leur quiétude, puisque nous imaginons qu’ils sont proches de nous, qu’ils sont nos frères et sœurs, qu’ils se parlent avec un langage, que nous ne comprenons pas certes, mais ils parlent avec un langage sauvage que nous ne comprendrons peut-être jamais, ne serait que parce que nous provoquons leur extinction. *** Ce littoral où nous voyons nos frères et sœurs s’ébattre, épouser la forme de l’eau, nous démontrer la force de la vie dans leur souffle si puissant et leur respiration mortelle. Comment le littoral appelle les vivants, les convoque, il nous semble, à nos regards, à nos désirs de partager un seul instant leurs vies. *** Partir pour Tadoussac Sur les pierres grises si anciennes Attendre leur retour Enivrés de la joie des abondances Capelans et krills Au versant du Saguenay Assemblée de chants heureux Le long des berges d’homoncules *** Sens de Tadoussac : Mamelles Tadaoskw Tsheshagui *** Elles se demandent qui elles sont pour eux Et n’ont de réponse que le bruit des hélices Ces humains qui les recherchent du regard Ont perdu le sens de leur vie Dans ce foisonnement d’écumes et de dos Oui le souffle jaillit mot pour dire Adieu Mais un cri pourrait dire l’apaisement des retrouvailles Au confluent des eaux nous sommes vivants *** Où les eaux se jettent dans les eaux Nous laissons la sauvagerie des paroles liquides S’ébattre pour la piéger dans nos regards Nos voix étanches de la pierre Pour le dos luisant qui plonge en nous Vous ne vivez pas ici Voici vos bateaux de fer leur moteur de meurtre Ils sont en nous ces meurtres Nous ne les oublions pas Même si votre regard n’a plus la soif du sang *** Ils errent dans leur joie Les humains veulent les voir surgir Où ils ne vont plus Dans l’écoulement magnifique de leur vie *** Soif sauvage d’une autre vie De ce promontoire jusqu’à la rive de la Gaspésie. Moteurs en marche regards alertes. Débordant de l’horizon Leur clameur en souffle sans nous Le vent, le soleil, l’eau et les nuages Condensés en un seul geste Qui montre notre folie Suspends nos pensées et notre respiration À Tadoussac entre la pierre et l'océan *** La neige tombe doucement en avril Elle s’accroche au chaos des arbres Qui est l’ordre du monde Où je dois être Qui est aussi ailleurs Au bord du salin à Tadoussac ou à St-Félicité Là où m’appelle le vivant Au plus près possible de ma peau et de mes cils Dans ma langue et ma poitrine En chaque lieu tombant Hors de la beauté d’une neige de printemps Bélugas blancs sur le rivage yeux clos *** D’où vient que la vue de l’eau nous apaise et appelle notre regard, à ses changements, aux vibrations répercutées, aux vivants qui pourraient apparaître à sa surface? D’où vient cette joie du vivant que l’eau recèle, enregistre? À son horizon la peau de l’eau n’est-elle pas l’espoir de ce surgissement primitif de la vie. Le langage primitif de l’apparition qui affirme notre vie avec les vivants. Ceux qui disparaissent de notre mode d’existence, nous imaginons que de l’eau ils pourraient surgir à nouveau. L’eau nous appelle constamment de ses sons, de ses couleurs, de ses images ( et l’air, qu’elle laisse glisser sur elle, en vents parfois si puissants). Elle semble vouloir nous prendre pour nous amener ailleurs ( en ses vagues et vents). Cet ailleurs imaginé où la vie surgit indéfiniment, sans interruption, pour notre plus grand étonnement, notre plus grand bonheur. *** Aujourd’hui, je rends grâce à l’aube d’apparaitre. Au monde, de cette aube, qui s’achève maintenant. *** Au seuil, où les eaux se rencontrent, fécondant ces vies de la remontée des eaux. *** Un point à l’horizon Un oiseau ou un souffle Désir du vivant Jusqu’aux entrailles décomposées de la terre Qui se nomme homme • Qui se dit homme *** Oui nous nommons les choses, en ce sens nous sommes un condensé de vie et d’informations, dans le continuum du vivant nous sommes une intensité. Cependant nous devons peut-être penser que d’autres intensités nous nomment, nous désignent, font de nos actions un récit. *** De l’eau Émergeant de ma vie Vol d’oiseau Au couchant *** Pas d’un point D’un frémissement, d’une vague, d’une éclaboussure Au loin Le reconnaître L’entendre sur ce rocher Entre deux eaux qui se joignent Fécondant les profondeurs En milliards de pulsions Jusqu’aux gueules avides des baleines Là où je ressens cette vibration Dans l’attente d’une apparition A contrario de toutes les disparitions Ma soif de voir émerger une aile, un dos, un souffle **** Désir d'un signe Au lieu où je suis Sur un rocher gris Érodé de vent, de glaces, de marée Et moi vivant à la peau lisse Émerge ce mot ou cette image D’un dos arrondi l’eau D’une aile lumineuse Déposant cette joie en moi Pour la dire aux vents, aux eaux, aux glaces Contre tout espoir de leur disparition En signes que je pourrais écrire Tadoussac rassemble en lui les eaux, les pierres, les arbres, les sables, les marées Et me les offre Ma respiration se conjugue à lui Quand j’apparais avec les signes du vivant *** La pierre où je m’avance entre les deux eaux À la rencontre du fleuve et de la rivière Qui l’a formé Je m’y assois et j’attends *** De l’émergence du vivant où je suis En ce lieu nommé Tadoussac Avec ces vivants du foisonnement D’où je ne suis plus Navire de bois résonnant dans sa nuit Dans l’attente de ma propre vie La fécondité des eaux qui s’émerveillent De la vie jaillissant contre mes pores De salin gonflé d’embruns secoués Une caravelle au vent debout Pour d’autres humains aux visages masqués Nous étions au coeur de ce battement À l’horizon avec votre apparition Qui ne saurait tout détruire de lui
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L’inachevé de la joie – 21
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Séquence 21 Motel du Haut-phare, Cap-des-Rosiers, Forillon, 48.85592099081837, -64.20449201712596 31-03-2020 Quelle métaphore trouver pour la pointe de Forillon: Navire, ou paroi de grès, qu’est-ce qui s’avance lentement vers le bout du monde ou la fin du monde? N’est-ce pas l’homme? Homme blanc couché dans l’eau Dos d’homme couché dans l’eau la tête en avant *** Dans la baie de Cap-Des-Rosiers Les capelans roulent à la fin du printemps Pour les gueules des baleines Le long des falaises roses au couchant de Forillon *** Lentement s’avance vers la fin du monde Je regarde l'homme couché de Forilon au dos de pierre ciselé Il n’y a que lui qui puisse dire Quelle sera la fin du monde Est-elle faite de ces extrémités du paysage quand il atteint sa beauté? Ou de baleines échouées et épuisées? *** La métaphore pour dire le cap de Forillon Navire, tableau de grès, muraille? À l’extrémité du monde Gaspé Un homme épuisé Au dos labouré Friable comme le calcaire De toutes ses pêches et de toutes les famines Dans les anses de tous les noms donnés Pensant la fin de son monde Sculpté de soleil couchant Heureux un instant d’être encore en vie Sur la plage où les capelans roulent *** Force ébréchée, mais couchée De la falaise de Forillon Homme épuisé, mais vivant au couchant A bout de force *** Homme barque épuisé Couché dans la mer Le long du soleil couchant Au dos érodé Écoutant le dernier souffle des baleines *** Dans toutes les anses de Gaspésie aux barques déposées sur la rive, les filets étendus et les morues à sécher, des maisons ou des abris, le long du ruisseau qui descend vers la mer, des hommes et des femmes, épuisés peut-être affamés, avant ou après la saison de la pèche, au seuil du long hiver ou au printemps avant la pèche, quand il n’y a plus rien et qu’ils ont imaginé la fin du monde. *** Une falaise de craie Immense de beauté Au soleil couchant Le capelan roule Un autre monde Une autre fois *** Du motel du haut phare, dans la baie de Cap des Rosiers, ce continuel passage des oiseaux entre la falaise et le phare. *** Je tente d'imaginer tout le littoral nord de la Gaspésie, de St-Félicité jusqu’à Forillon, et au-delà le point d’exclamation du Rocher Percé. Je le ressens et je le vois avec tous ces noms glanés la présence de tous ces hommes et femmes au flanc des rivages de poissons, tirant des filets, donnant des noms de lieux aussi profonds que le fleuve, aussi charnels que la pierre, la terre et l’eau réunies au rythme des marées. *** Issus du cadavre de l’homme couché dans la mer Le dos aux vagues Émergent des cormorans et des guillemots Traçant dans la baie leurs lignes Pour le rêveur de pierre qui regarde et écoute Devant la plage de Cap-des-Rosiers *** Je peux dire Regarde tous ces oiseaux qui passent De la pierre au couchant Jusqu’au phare qui s’éveille Leurs passages de ma bouche à ma mémoire De la falaise à l’horizon Du ciel à l’eau Incessantes traversées Ils m’allègent de leurs vols *** 2022-04-06 Toute la rive parcourue Jusqu’où la pierre se couche dans la nuit Avec les oiseaux je reviendrai Aux falaises qui sommeillent en moi *** La falaise a la légèreté de l’aile au couchant D’elle les oiseaux prennent leur vol Vers elle ils se fondent au rosé Dans la baie ils ne cessent de m’enlever De m’amener où ils disparaissent *** La pierre qui s’ouvre de ses fracas Aux oiseaux de bout du monde Dans la baie en files de mélancolie De ce monde détruit par nous avec tant de légèreté Qui nous bouleverse encore de ses passages dans nos mémoires Où nous voulons sa renaissance *** Fin du paysage Condensé d’ailes Entre mes regards L’apparition des fulgurances De la pierre à l’eau Du ciel à mon coeur *** Quand les oiseaux là-bas emportent mon désespoir Et reviennent du rosé de pierre légère Dans l’attente du souffle des baleines Pour notre respiration retrouvée *** Au bout du monde Quand les oiseaux émergent du rosé de la falaise Que reste-t-il à écrire Sinon notre Terre qu’ils traversent de mes éblouissements *** De St-Félicité La ligne de pierre du rivage À l’eau mêlée de brumes Jusqu’à Forillon La joie du rivage et de la marche Jusqu’à la falaise du bout du monde Où les baleines creusent l’Océan de leurs sauts **** À la pointe de Forillon, une fois marché le chemin aux maisons abandonnées, longeant les plages de galets, sur cette pierre en promontoire, voir les baleines sauter. Baleines de Tadoussac, baleines des Îles de la Madeleine, baleines de Mingan. Les voilà imaginées, aux dos lisses de millions d’années d’eau, se coulant dans la mer, et sautant pour nous dire : Vous serez vivant. Vous serez vivant Une fois que vous vous serez arrêtés **** Sur le promontoire, je ne peux aller plus loin, je ne peux qu’attendre entre les oiseaux qui nous font signe, les baleines, le chant de leurs souffles. Du chant de leurs souffles, le mien *** Est-ce temps brumeux Où l’homme de pierre reçoit la vibration du chant Entre ses côtes coulant dans l’Océan Sa tête émergée jusqu’à sa première lèvre ** Le temps brumeux des récits Où les baleines sautent Hors leurs berceaux de mer Dans mes regards figés les eaux éveillent des larmes La falaise au couchant saisie de vivants Arrêté attendant que le jaillisse le souffle d’un dos noyé *** La baleine se fige et deviendra le bout de la terre Où je marche J’attends que son souffle me surprenne Et qu’elle bouge avec moi Vers une autre fin du monde **** La légèreté de la pierre Au vol des oiseaux Assemblés par mon regard Qui recherche a tout instant La grâce de leur vol Me liant à leur vie Traversant les vides entre les battements de mon cœur *** 2022-04-13 Voici l’aurore ce matin Rosée comme la pierre de Forilon au soir Légère comme le vol des fous Évanescente comme moi
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L’inachevé de la joie – 20
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Séquence 20 - St-Félicité, Manoir des pins, Sentier du littoral 48.90112, -67.34073 Pour une raison inconnue de moi, le paysage fluvial de la Gaspésie ouvre à la lumière. En ce sens des états de la lumière atmosphérique, dans le corps, pas seulement la pensée. Marcher sur ses glaces encore une fois. *** Érosion de soi dans l’érosion de la côte. Travail de la glace, du vent, des marées, contre le corps offert aux rivages. *** Ce qui me retient à ces lieux, aux flux d’images et de sensations de ces lieux - leur beauté - ma présence en eux Les lieux que l’homme habite ne sont pas nécessairement beaux, ils sont les siens. Les détruire c’est aussi le détruire. *** Le paysage riverain de la Gaspésie culmine à Forillon, qui condense toutes ses caractéristiques en une offrande de pierre, de mer, de vent et de vie. Vue du Motel du haut phare. *** Les pierres du rivage Non pas peaux de déflagration Aux taches orangées Roulis des vagues autour de leurs arrêtes Au départ de la marche Pics des rochers dans la baie de St-Félicité Le paysage de la mémoire se compose lentement Pour coïncider au fleuve Là-bas dans sa lumière *** Le bord de mer de Gaspésie, mes pas sur les sables, les ardoises, entre les massifs d’églantiers, sur les algues, crevasses où des animalcules naviguent. Algues vertes, algues brunes, parfums d’algues, de mer, animalcules. *** Animalcule dont je ne sais pas le nom Pour toute la lumière du fleuve *** Toute la lumière du fleuve Jusqu’à la falaise mouillée de brumes *** Les ardoises, debout, couchées, en lamelles; galets sur les plages. Marcher sur le rivage, parfois se cassent, ardoises envahies ou non d’algues, en leur creux, eau saline du fleuve, animalcules, ont dit aussi invertébrés. La courbe de la plage, sable noir de ces ardoises, une avancée de pierre à son extrémité ( côté ouest), la marche sur la plage commence. Le corps non pas seul, celui que j’imagine être le mien alors, le déposer dans le paysage avec ses animalcules, aux marées basses de la déambulation. *** La rive Où elle s’érode la Gaspésie En feuillètements d’ardoises En falaises noires et grises rencontrant les hautes marées d’automne Le bruit de la guerre effacé en moi par le bruit des marées. Le ressac de la guerre en nous ‘qui en avions entendu parler ‘. Quelles sont les paroles de guerre que le ressac des marées couvre ( en moi)? L’ardoise du cœur détachée, roulée mille fois, revenue, repartie, tournant pour écrire le débris, les scories, la lessive des passages de ces mouvements de guerre. Ardoises et pierres de la Gaspésie, formées de volcans, strates, au vent, récits de rien, si ce n’est du rivage, des marées de ce lieu qui commence pour moi à St-Félicité Cette félicité par où commence la marche sur le littoral de la Gaspésie. Le littoral de cette Gaspésie du fleuve et de l'estuaire culmine à Forillon et avec le point d’exclamation du Rocher Percé. *** Je peux voir ma déambulation près d’une falaise embrumée et mouillée, mais je ne peux la situer exactement le long de ma marche sur le littoral, ou à l’intérieur d’une marche. J’ai la saveur et la tonalité du paysage à cet endroit, mais pas l’entièreté du parcours qui m’y mène. *** Roche non pas touchée Mais mouillée Reçue de l’incessant des vagues Des eaux salées des marées Modelant, façonnant L'humain ne peut le faire Pourquoi est-il capable d'une telle force de destruction, mais es incapable d’une puissance équivalente de renouvellement et d'édification? La mise au point de l’arme atomique a été complexe, mais sa puissance et la multiplication de sa puissance n’est pas équivalente à ce que l’homme devrai utiliser pour changer sa relation à l’énergie et aux forces qui l’entourent afin d'entrer en relation circulaire avec elles, pour amorcer un lent mouvement spiralé et non en confrontation. *** La réception du vent au torse, aux jambes, en hiver, le long des glaces, quand cingle la pluie, pour avancer le long des bruits de l’apaisement, les craquements des petits mollusques sous les pieds, comme si à chaque pas on détruisait des dizaines de vies. De ce vivant à consommer, à émasculer. Il est nous, nous sommes en lui. Le vivant comme une gifle. Nos heurts aux vivants, sous nos pieds. Mes prédations, nos moissons, nos arrachements, pour nos vies. Le saluer en ces lieux où l’horizon s’ouvre à la lumière. L’horizon de lumière Où l’ardoise est lavée de nos pas Les craquements aux pieds Ne sont pas des fissures Dans les lacs des marées basses Cette vie qui nous résiste Attends la fin de nos passages Pour réapparaitre dans une splendeur que nous ne verrons pas *** Le sentier du littoral qui va de St-Félicité à Grosse-Roches est surement un des plus beaux de la Gaspésie. Je ne peux en rendre compte complètement de mémoire. Je me dois d’y retourner. **** Animalcule dans la flaque saline Malgré mes effluves et mes regards Me redonnant avec le chuintement des marées Et les rêches odeurs d’algues Un souffle de vagues *** Comme issues des pierres Les stromatolithe Première forme de vie Dans les flaques d’eau Entre les ardoises Théâtre d’animalcules La marée fait glisser l’eau vers le fleuve et mon pied Quand elle dévoile les algues lisses En déséquilibre vers le salin qui vibre de vivants *** L’eau saline Entre les rochers Où la danse des animalcules Si loin dans les courants L’espace sans frontière des vivants Des fleuves et de leurs océans Dans leurs berceaux de pierre *** Oui, le fleuve est aussi d’eau salée La courbe de la plage de St-Félicité Me mène aux récits d’animalcules Derrière les éperons d’ardoises Le sable noir au pied Se pencher sur chacun des berceaux que laisse la marée Coule sur la peau le salé du vent Malgré moi cette vie me dit ce lieu *** Dans l’évangile selon St-Mathieu * Jésus marche sur l’eau D’un océan qui ne serait pas mer morte J’aimerais tout le sel du vivant Dans ma bouche et mon cœur conserver Mais je ne suis que les os de mes mots Qui sertissent le berceau de l’Océan *Pier-Paolo Passolini ** Le ruissellement du ruisseau La rumeur du fleuve Et son enchantement Des glaces aux algues L’espace qu’ils ouvrent À la lumière des vivants Autour de moi à tout instant Dans cette marche sur la pierre des eaux *** Pour l’écrire Je navigue entre les glaces De Matane à Rivière-au-Renard S’assemblent, se chevauchent, se brisent les une sur les autres Emportant rochers et algues Coquilles et lambeaux de paysages Essoufflés d’érosions Que les hommes animent *** Au même moment, ce moment qui n’est pas le même, où les coraux blanchissent un missile hypersonique s’abat sur l’Ukraine. Le lien entre les deux moments: moi, un homme. Moi, mon corps, mes paroles qui n’avons pas su éviter ces afflictions, ces destructions. Ce que je goute, ce que je manipule, les mécanismes et circuits que j’actionne sont tous les conséquences d’une destruction. Les Kogi, gardiens de la terre. Ne pas la détruire selon eux impliquerait de ne la toucher que pour des cultures légères, sans impact, en laissant à chaque récolte, une offrande. Cette façon de penser nous est devenue étrangère, j'ai tenté de la mettre en mots dans deux de mes livres Paroi et Esthétique de la disparition. *** La marche avec les sensations des marées, l’écoulement vers le large, l’eau retenue entre les roches et les sables, le fleuve vers l’Océan. Mon corps qui se liquéfie et coule sa lumière vers la lumière. Dans la marche, à l’écoute des vagues, aux odeurs salines et lourdes, sous mes pieds, les craquements des pages d’ardoises et des ponctuations de coquillages. Mais le littoral n’est pas un livre, même si on lit avec les cormorans, les eiders et les guillemots. *** Contre-poème Des animalcules, des coraux Quand des enfants meurent Quelle poésie s’agite? Pendant que des enfants meurent La beauté de notre berceau est détruite Quelle est la vérité de cette poésie? Quand elle parle de ce berceau de pierre D’où surgit ma voix En marche vers l’océan Alors que les enfants sous les décombres crient **** Contre-poème De tous ces effacements, l’humain emporté Quel sera son nom? Qui suis-je au milieu de toutes ces disparitions? Quelle est cette voix dans ce fracas? Bien plus assourdissant que celui des marées et des orages Quel est ce fracas dont mon corps est fait? *** La félicité d’écrire ces lieux De les parcourir en fermant les yeux De les revivre en mots La félicité d’écrire Je voulais l’écrire ce matin *** Animalcule égaré sur la plage Avec ses souvenirs balbutiants Devant Google Map Ne plus savoir exactement l’au-delà de l’anse de St-Félicité Entre les trous de mémoire Revoir les eaux glissant sur les rochers Le son des pas revient aussi Dire que la vie contient aussi sa négation Au-delà d’un passage où il faut grimper à marée haute L’animalcule aux quatre membres Sait que l’eau le ronge d’un incessant mouvement Il n’est pas de pierre, mais d’eau Marcher sur la plage hiver, automne, été Tout le littoral le parcourir De la Gaspésie, flocons de paysage dispersés Sables gris et froids pour les algues et les glaces De St-Félicité à Tourelle Le rivage de mes marches Dans ma mémoire en strates L’ardoise en récits lessivés et arrachés à prendre dans la main ** D’une vasque de pierre à l’autre Coulant lentement Aux animalcules enfermés Moi dans l’athmosphère Eux dans leurs eaux Les rochers bruns à la peau vieillie et salée Se prolongent en sables foncés Jusqu’à un éperon d’ardoise Où mes pieds peuvent glisser Sur l’écoulement lent des marées Les vagues avancent avec le fleuve vers ses lumières Elles me conjuguent avec les océans entiers Où ma marche ne peut se poursuivre Je rencontre dans l’air Le salin que les vivants de mer agitent Ils se meuvent avec rapidité D’un bord à l’autre de leurs bassins L’eau retenue entre les pierres Est l’atmosphère qui me gorge de leurs mouvements Je parle de toute la plage et de tout le mouvement Dans mon souvenir liquide j’avance vers Grosses-roches Où il se déverse dans d’autres mains *** Marche avec un long morceau de bois courbé et mince, à l’écorce enlevée Sur le littoral toutes ces échoueries ( de bois), venant, je l’imagine, de la Côte Nord. *** Ce qui est enlevé de soi par la lumière Se perle de mots *** Venue du nord La branche échouée et blanchie Dans la main soulevée Longue et courbée Pour tracer avec sa pointe au loin l’Océan L’Imaginaire de l’Océan L’océan le contiendra Avec tous les océans dessinés par lui et avec lui *** Je n’oublie pas les oiseaux Non je ne les oublie pas Mon regard se projette vers eux Au large assemblés ou seuls Signes que je suis vivant avec eux *** De la branche inventée du poème Je ne peux faire ce symbole de paix Tenue dans les airs par ma main Je la laisse flotter sur le frasil Elle se courbe de rivages et de flottements Dans les glaces et les graviers Se dépose sur le sable noirci de St-Félicité Ma félicité vient du paysage marin et de sa rencontre À m’immerger en ces lieux À flotter entre leurs couleurs et leurs odeurs J’aimerais être un animal de cette paix Mais je suis saisi de guerres *** Sur google map je regarde St-Félicité, pour faire correspondez mes souvenirs-images et les ausculter. Nom prodigieux de la Gaspésie : La croche du Criard, L’Anse à la croix, Cap à la Baleine, Grosse-Roches, Ruisseau à la loutre, Ruisseau à Sem, les Méchins, L’Anse pleureuse. Parcourir la Gaspésie c’est aussi voyager dans ces noms délicieux, si proche du paysage, si poétiques! *** Après la plage de St-Félicité il faut grimper un petit promontoire à marée haute ou montante pour aller vers L’Anse-à-la-Croix. La Félicité du paysage Gaspésie commence pour moi ici, mais elle est aussi dans ses noms parcourus à pied ou en voiture, jusqu’à Cap-des-Rosiers et Forillon. Mes marches se sont arrêtées entre Tourelle et Cap-au-Renard. *** Je dois tourner mon regard vers le fleuve. Ce qu’ils appellent la mer. *** Feuillétements d’instants Ma mémoire de l’espace Dans l’espace Chacun de mes gestes à retrouver Dans les strates du paysage Se défaire du temps ( le laisser dans l’espace) N’est pas se défaire du corps D’un point à l’autre de ma vie Où l’offrande se termine *** En lisant le pamphlet du Sentier du Littoral ( St-Félicité) j’air recomposé quelques un de mes regards sur la côte Gaspésienne de falaises et de plages de galets et de sables, d’anses et de rivières. De St-Félicité, on voit à l’horizon la rive haute, on imagine son défilé, elle apparait dans sa splendeur immobile , noire et grise, brumeuse, je ressens de nouveau sa lumière particulière, sa teinte. Une teinte de gong lente émergeant du fleuve, comme son extension et sa limite, non pas jusqu’à sa fin, mais vers son achèvement, à Forillon. Splendeur du paysage de Cap-des-Rosiers - Motel du Haut Phare. *** De ce qui s'est échoué sur la plage Non pas le paysage Ni moi, mon corps Ni encore sa pourriture Une branche, des coquillages, des algues Tout mon regard se lève de ces échoueries Quand la pierre des falaises se fond à la brume en un sfumato de mer La résonance de l’eau à l’eau, de la pierre à l’eau, de mon corps à l’eau et à la pierre J’entre dans le paysage afin qu’il me parcoure ** Ce que j’ai appris de l’écriture de Paroi, c’est ce versement d’une chose dans l’autre, d’une expérience dans l’autre, indéfiniment. Elles forment ces poèmes? Phrases? Écrits? Autonomes, l’une dans l’autre ( comme une rosace de Dante analysée par Mandelstam) en un ensemble de résonances qui va des lieux à nous et de nous vers ces lieux, en une montée de transformations les unes avec les autres, les unes dans les autres. *** Sur la plage de St-Félicité Marcher vers l’est Un ruisseau et une petite falaise Grimper où l’eau se jette à la mer Près d’une maison rouge en surplomb Pour passer de l’autre côté du massif d’ardoise Ente les pins et les églantiers Où entrevoir la côte Sur ses pierres élevées L’eau saline éclabousse en bas Les pas suivent un sentier Tracé depuis si longtemps ll se confondra avec la plage Une fois descendu vers un boisé et le sable chaud *** Le rivage condense toute la terre En une ligne abrupte et souple De pierre et d’eau, d'échouerie et de vivants Le vivant, c'est ce qui parle avec moi et la terre, de moi, du vivant et de la terre. *** Au lointain L’assemblée des oiseaux Sans paroles Aussi légère que leur apparition Au seuil de mon regard Pour m’offrir l’Océan Le vivant approche Marchant sur l’eau Avec ses ailes et sa soif De mots et de mémoires *** Pour le fleuve Il y a le lointain Que ma main ne touche Où la profusion décantée d’ailes et de bec De nulle part apparus Battant entre mes côtes Exilé du littoral *** Jusqu’où la parole poétique ou la poésie, peut-elle résonner d’elle-même. Les mots, les vers, en résonnance contre eux-mêmes, sont-ils l’extension du monde ou leur simple rapport, leur amplitude, qui indique la substance du monde? Ainsi ces oiseaux, leur apparition, leur disparition, leurs mouvements, pour en rendre compte, les dire ou les faire résonner de mots...ou faire une nuée de mots... *** Nuée de mots Au bec Quand de ses ailes Éclaboussée sans regard Plongée jusqu’où Je ne suis pas Je pose sur l’eau Un instant marche À l’envol deviennent d’air Et leurs regards entre eux Leurs voix sur le rivage Mes yeux loin plumes froides Volée grisante Les cormorans Sur un rocher ne rien faire *** Nuées Au contraire de la pierre Où l’eau Pour les mouvements Et les proies Que je ne vois S’envolent rosacés Flottilles aussi Vagues perlées d’ébats Non au rivage debout Dans l’océan qui noie Ils se bercent *** Qui dit nuée Dit peut-être aussi nébuleuse Chargée de poèmes Composés où N’est pas fixé En suspens Attendant Sur l’eau ou sur les rochers Dans l’air en vol *** Dessin *** Sur la mer les oiseaux se déplacent en fonction ds marées et des poissons, au-delà de la limite ou non de mon regard. *** Nuée du paysage Dans mon regard Je l’entends Au loin qui se rapproche M’entoure et m’enrobe De ses oiseaux *** Intempéries d’oiseaux Flocons d’ailes Tombent Et reviennent au nuage Si rapidement sur les eaux S’éloignent avec leurs proies Et la sensation d’un monde vivant Que je ne peux atteindre *** Nuée vibratile D’ailes D’éclaboussures De proies soulevées De vagues Là, non loin Inatteignable de la rive Tout mon corps projeté en elle *** Nuée de pierre D’églantiers D’algues D’eau s’écoulant De cormorans De sables noirs ou dorés D’où émerge la rive L’étendue d’eau là-bas Où plongent les cormorans Où s’ébruite le fleuve Et la falaise où bute mon regard Quand j’entends le cri des mouettes La nuée devient littoral Je marche Aux odeurs d’algues Tant de vent Tant de lumière Qui dépose autour de moi le paysage Et me dépose en lui
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L’inachevé de la joie – 19
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Séquence 19 La falaise près de l’étang, lac Spectacles, Wenthworth Nord, Québec 45.81285332929021, -74.52382243981152 En hiver la falaise est l’endroit où je monte vers le somment du mont d’où je peux voir le lac Spectacles. De cette montée, j’ai surtout des images d’hiver. La falaise se couvre de glace. *** De tous les lieux que je nomme et écris, souvent me vient le désir de retourner en eux, ou vers eux. *** 2022-03-07 Je vois le gros VUS que mon voisin d’en face vient d’acheter. Peut-être qu’étant donné ce qu’est l’homo sapiens, les changements climatiques sont inévitables? Après avoir lu ce matin tous les articles sur la guerre, celle-ci était-elle inéluctable? De l’inuctabilité des évènements ou transformations, l’homme a été confronté durant toute son histoire. Nous l'avions oublié, l’histoire. Elle nous frappe de plein fouet par ces images de nos espaces dévastés. Puisque c’est bien là, dans la destruction de nos espaces de vie, d’habitation que se joue la guerre. Tout lieu d'Ukraine devient champ de bataille. Ce n’est pas la première fois qu’homo sapiens doit répondre à des évènements climatiques inéluctables, mais le fait qu’il les provoque lui-même est la conséquence qu’il est devenu une espèce dominante qui se met en péril par sa propre expansion. Il est confronté à la logique de ce qu’il appelle nature et qu’il nie. Cette crise n’est pas inéluctable, mais les ressorts symboliques, la construction d'un nouveau paradigme implique une forme quelconque de changement spirituel, inspiré peut-être des peuples premiers ou de nos ancêtres. Il restera toujours quelque chose, même dans les conditions extrêmes, de cet homo sapiens. La guerre d’Ukraine montre une petite partie de ses capacités d’auto-destruction qu’il applique aussi son environnement. Le déséquilibre est constitutif du mouvement, de la vie, tout comme l’entropie qui flèche les évènements dans un certain sens. Poutine nous jette en plein visage notre histoire, ou l’histoire. Sa destruction des espaces de vie ukrainiens est effrayante. Guerre de destruction contre des frères. L’autre est ici un frère, mais le décalage entre le frère et son frère russe, doit être éliminé. Cet état de déséquilibre extrême dans lequel se plonge l’homo sapiens l’entraîne vers plus de douleur. La destruction des conditions actuelles de ce qui est la Terre-Gaia. L’équilibre de l’évènement Gaia qui a rendu possible l’apparition d’homo sapiens est suspendu ou détruit. *** Une quelconque machine De guerre, de destruction Comme du roc Comme un mur *** Comme je tombe Ainsi tombent Les neiges Je roule Devant moi la falaise Quelconque machine Agencement de roc Pour le déséquilibre du regard Où suinte l’eau La main se tend La pierre se fissure Le roulis des sensations Dans la neige Le corps la rejoint Et tourne Hors de portée La paroi mouillée Les mains froides Se retenir à l’arbre L’immobilité se propage De la pierre aux muscles La falaise assemblée en ses glaçons Laisse fuir un peu de beauté Sur mon visage rougi *** Débris de machine Débris de mur Débris de forêts Pierres qui roulent Les fracas de nos déséquilibres Arpentent nos os Qui glissent les uns contre les autres De nos dévastations Falaise où appuyer les mains Sans le tremblement des obus loin là-bas Aux frontières de la peau et de l’inéluctable L’eau de la falaise donne à la bouche Des paroles pour ralentir la chute Sur le glacis des images des corps brisés Une branche retient le geste S’abandonner Au vertige des masses Formant la montagne En nous le fracas ne cesse pas De dire les nerfs des chutes et des ascensions Les arbres au vertige tiennent La main de celui qui glissait sans fin *** Pas de je Qui est-ce je? En déséquilibre sur la neige Au vertige de la falaise S’ajoute le froid Qui est devant ces morts? Des dévastations de la terre Des bras et des machines Entre les dents d’acier D’ocre ou d’ivoire Ce je devenu d’acier Aux dents d'ivoire Qui vibrait au vent ou à la pluie Cadenassé en ses bielles et ses images Une terreur anime Une bouche épuisée De tourner dans la rouille des exactions Cadavres de paysages À l’épuisement des vivants Eau des suintements de blessures Avec cette terre qui attend le souffle *** Le roulis de chacun Le vertige de chacun Devant cette falaise La pierre du gong assemblée En l’espace des chutes De tous ces humains qui vacillent La tête dans la cloche des fracas *** Il n’y pas de parapluie blanc pour nous sauver Pas de parapluie blanc Comme un drapeau blanc *** 2022-03-10 De la guerre d’Ukraine nous n’entendons pas les explosions, nous ne ressentons pas les déflagrations, les brusques poussées d’air, saturées de poussières et de gaz. Et les tremblements*. Nous pouvons l’imaginer, en partie, mais c’est au lieu et dans le corps que ces sensations extrêmes et violentes s’arriment. Telle est la définition de la violence: une atteinte au corps, un déplacement brusque de l’espace habité et familier, une destruction des lieux construits pour sa présence, une atteinte aux muscles, à la peau, aux os. Les blessures. *Le tremblement que Glissant met au coeur de se poésie. *** La falaise Pierres dispersées à mes pieds Marcher dans le fracas Vers le mur Le contourner Monter *** Sur un pied Vers une chute Tombe La neige en tombe Un instant Les longs bras ne m’ont pas retenu À la renverse du ciel *** Au fracas Les os détachés du corps Le souffle emporté Le ciel et les arbres Contre le mur qui avance Falaise Où chutent Où tombent *** Contre les pierres Les murs en lambeaux Les vallées et leurs fracas Pas de parapluie blanc Pour nous cacher de notre histoire Nous protéger de nos lieux dévastés Des déflagrations d’espèces et de maisons *** À la montée Perdre pied Les longs bras gris Après le fracas De l’immobilité de la paroi Tableau où est peint l’inéluctable Des chutes et des tombées Rien ne me retient À ce ciel découvert La neige amorce Le froid à mon dos *** Tendre les mains Attendre des bras gris Un soulèvement, un allégement Le fracas des éboulis au loin Les pierres dispersées en corps fantassins Gardiens d’une forêt et d’un sommet Au haut de la falaise le vertige et le déséquilibre de nos chutes *** Ces hommes dispersés au bas de la montagne Recroquevillés, prostrés Attendant, couvert de feuilles Le souffle d’un apaisement *** Je n’entends pas les explosions Leurs souffles ne se répètent pas Je vois le fracas de la falaise J’entends le suintement de l’eau La beauté de la pierre dans chaque geste *** Pas de parapluie blanc à tenir Dans les souffles Entre les débris Par tous ceux tombés De nos fracas *** La condensation de l’image Son fracas Au déséquilibre des mots Le poème Paroi où halluciner Un parapluie blanc *** Transcription 2022-03-11 La pierre c'est ce qui est C’est ce qu’il y a contre nous Dans l’espace Contre nous Contre nos corps Nos corps ne peuvent Rompre toutes les pierres Ils ont percuté les silex *** Mes yeux ont soif de la diversité du réel *** La rumeur Avant le fracas Déjà dans la pierre La falaise tend ses couleurs Aquarelle qui suinte Dans ma main Le fracas est venu avec l’éboulis En déséquilibre Les gris se penchent Les blancs sont mon lit Contre l’éboulis La falaise Le fracas Que cela ne tienne qu’à un fil La chute et le renversement Debout dans le ciel *** Les mains grises Pour tout retenir De ce qui apaise Avant le fracas Avant la rumeur Comme si le silence existait Juste un corps dans la neige Pour voir ce dont le ciel est fait Le fracas de nouveau en nous Après la petite paix Cloche sur nos désirs Nos corps empruntés à l’espace Découvrent dans les débris Des accolades imaginaires Aux sons des chants à inventer Nous voulons entendre le gong qui arrêterait nos destructions *** Contre-poème 2022-03-12 Pas de parapluie blanc Mais drapeau Devant les chars Avec tout le courage La réalité serait-elle guerrière du poème? En lui se lèvent les hommes et les femmes Est-ce au prix de leur vie? Quand entrent dans le poème leurs gestes Ce n’est pas la guerre qui envahit le poème Des battements de cœur, des larmes, des clameurs, des cris La réalité détruit-elle le poème comme un obus perfore? Le poème n’est-il pas un homme et une femme debout contre la mort? *** Dans un autre contre-poème, j’imagine Nous sortons tous au même moment Ceux d’Europe et d’Amérique D’Ukraine et de Biélorussie De Russie et de Chine Dans les rues bloquant tous les mouvements Jusqu’à ce que cesse ce qui doit cesser Les tirs d’obus et la destruction de GAÏA
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L’inachevé de la joie – 16
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Séquence 16, Lac de l’Achigan, Laurentides, Québec 45.95368551766065, -73.97461914689396 Pour les grenouilles J’ai tant de lieux sous mes mains Pour l’écrevisse Je n’en ai qu’un seul Lac de l’Achigan Froide l’eau Les doigts soulèvent les pierres Au son du ruisseau N’attrapent rien *** J’ai recherché sous les pierres des ruisseaux des écrevisses sans les trouver. Je sais par ma main vide l’ampleur de ce qui arrive depuis longtemps déjà. Je continue de penser que nous ressentons cette débâcle dans nos muscles et nos os, viscéralement. Ajout 2022-02-17: Je n’ai pas soulevé toutes les pierres des ruisseaux pour trouver des écrevisses, mais je n’en ai pas vu dans les ruisseaux que j’ai rencontrés. *** La pulsation de l’écrevisse meurt dans le bocal. Signe pour moi du sauvage, du naturel. Signe rare, disparu. Ajout: L’inventaire du ministère des Ressources naturelles et des forêts indique que l’écrevisse des ruisseaux est présente dans toutes les régions du Québec. Je devais écrire : Tout le reste de ma vie Je n’ai pas soulevé toutes les pierres de tous les ruisseaux Pour trouver les écrevisses *** Visibles et délicates sous l’eau Elles fuient à la moindre ombre (Ma main est une ombre) Qui glisse avec elles sous l’eau Elles ont une tête L’intelligence de leurs mouvements Leurs spasmes devant la main qui fait une onde *** Le spasme de la fuite Devant ma main qui fait une onde Dans l’eau claire du ruisseau Yeux en tête d’épingle Pattes et antennes graciles Sur le rocher, résistant au courant Le Courant : celui de leur disparition ou de l’eau claire ** Après avoir médité sur la maison du lac l’Achigan et de mes séjours me vient une seule image, celle d’une écrevisse géante se battant avec Flash Gordon - ou d’une écrevisse géante transparente - frétillante au-dessus des paysages - dans tous les ruisseaux. *** L’écrevisse géante frétillante au-dessus de moi Ressent-elle mes colères de la disparition de ses frères? Là dans les ruisseaux de mes marches Enfant, dans le souvenir du lieu Elle glisse de mes mains Jusqu’où n’a-t-elle pas glissé de toutes les mains? Écrevisse géante, mouvement des eaux Minuscules fuites dans l’écoulement Sous ma main de prédateur, sous les rochers Quand Flash Gordon s’envole Dans les fumées des fusées On voit surgir les paysages intacts de toutes les planètes Quand mes mains rencontrent l’écrevisse Le lit du ruisseau bouleversé Pour la prendre je l’imagine D’elle je n’ai plus que le souvenir Je suis le prédateur rapide L’écrevisse géante n’est pas colère Contre toutes les mains des prédateurs Beauté incorporée au bleu des disparitions Au cœur qui bat encore, je suis dans le ruisseau Dans lequel je ne ressuscite ni ne meurs Éboulis de roches toujours recherché Où l’écrevisse géante tamise le soleil Où l’eau est plus limpide encore de la montagne Son bruissement attire le prédateur et la proie C’est sans main que je devrais m’approcher J'immerge mon visage en sueur dans l'eau si fraiche Pour être du battement de la terre et du suintement des rochers *** Contre-poème ou Anti-poème 2022-02-18 Je n’ai pas encore assez d’informations pour écrire ce contre-poème ou cet anti-poème. Je n’ai pas encore tout lu sur ces écrevisses, ces pauvres écrevisses que je voulais disparues, qui n’allaient plus sous ma main, elles sont si nombreuses qu’on les dévore, qu’on les chasse et qu’on les chasse encore et qu’elles se multiplient dans tous les cours d’eau de France, d’Europe ou d’ici. Comment poète puis-je être si loin de la réalité! La chasse à l’écrevisse est un sport connu et les chasseurs le savent. la vie pullule, malgré mes interdits, malgré mes insuffisantes, elle se remplace par elle-même dans une autre version d’elle-même que je ne connaitrai pas. Fin du contre-poème *** En quoi constater que l’écriture serait une joie est une erreur? Ne vient-elle pas de l’eau? L’encre ne coule-t-elle pas de la pluie? Qu’est ce qu’ajouterait au ruisseau, au geai, au corbeau ma colère? Avec le ruisseau et les pierres, ils me donnent ma vie *** Je n’ai plus d’écrevisse sous la main pour dire la beauté du monde Son fantôme est un léger voile dans le ciel L’eau est-elle encore de l'eau si elle est chargée de plastique? Est le ruisseau encore le ruisseau si aucun animal ne s’y agite? *** Ma colère peut venir Mais elle ne peut-être que contre moi le prédateur *** Du lac de L’Achigan J’ai l’impression d’être avec ma mère et ma sœur Du bleu sur du bois Une tyrolienne Et un ruisseau Avant l’embarquement dans l’automobile pour aller à Montréal Pour voir Flash Gordon Le ruisseau des écrevisses *** Rivière de L’achiganRivière de l’AchiganLa rivière tire sa source principale du lac de l’Achigan, au cœur de Saint-Hippolyte, et déverse ses eaux 35 km à l’est dans la rivière L’Assomption, à 3.5 kilomètres au nord de la ville de L’Assomption. Le lac de l’Achigan, quant à lui, s’approvisionne par la décharge du lac Jimmy, du lac des Sables, par la décharge d’un ensemble de lacs dont le lac Malone, Lac des Chûtes, lac Duffy, lac Beaudry et lac William; par quelques ruisseaux de montagne, par la décharge du lac Molson,par le ruisseau Morency drainant le lac Morency et par la décharge du lac Renoir. *** L’eau est faite de millions de fantômes d’écrevisses Elle coule dans ma main Je ne garde d'elle qu’un souvenir d’une certaine sauvagerie Et un visage apaisé *** Ruisseau, écrevisse agile, Tremble, sillon d’eau, le bouillonnement Des mains, cinq doigts, garçon Une feuille morte, plonger, immobile Le vide, accent aigu, le bateau Frontières ou rêves, cailloux, après Second souffle, algues, aux ongles Carapace, fuite, trouver Sur le chemin, le son, si près Fraîcheur sans limite, cercles, roches Un peu de boue, lave, lavé, branchies Au-dessus, chant, érable Geai, falaise, pierre Amour, jusqu’à, emportement *** Écrevisse Vide au-dessus de tous ces ruisseaux Sans mes doigts Appel *** Contre poème 2022-02-22 Écrevisses rouges Envahissant tous les ruisseaux Par milliers dans les rivières À pleines mains les prendre *** De cette vie donnée Le prédateur Sur toutes les planètes À foison Lacs à la chaine Asphyxie Il vogue sur l’eau Ses doigts rougis sur la pierre Dans l’eau plus que l’eau Extinction sans frontière Pour qui tue De sa seule présence *** Marche, marche les sentiers Chasse, chasse les souvenirs Ruisselle, mes peines Assoiffe, les vivants Fantômes de mes atmosphères
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L’inachevé de la joie – 15
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Lac spectacles, Wentworth- décharge 45,80904, -74,52415 Séquence 15 Au fil de l’eau Avec toutes les mémoires Qui allongent leur miroir jusqu’au ciel Les enfants des nuages sur la lumière Où le canot de ma main rencontre Le huard dans la transparence Il réapparait où je ne suis pas Son oeil métallique et son aile auront la mort du poisson Fermer les yeux aspirer le bleu Là-bas où je vais la berge est indistincte Dans le canot chacun de mes mouvements se répercute à l’eau En résonnance jusqu’aux pierres des rivages L’accord difficile entre moi et l’air À la décharge du lac L’eau est plus mince Les roches affleurent Un héron s’envole Toujours me déjoue Bottes dans la boue Où le héron pêchait Reposer la rame Dans la forêt aux odeurs de pins Marcher vers la chute *** Les harmoniques de l’eau Du lac à l’Océan De sa décharge au salin Mes pas accompagnent Le récit de l’eau vers les plages Où se perdait mon regard Le bouleversement des chutes ne cesse Entre les masses de pierre Entrailles où l’écoulement gronde au coeur Où implose le miroir du regard Descendre avec l’eau Sans être à la mesure de sa force Après le tumulte l’étang le ruisseau Un ruissellement de truite Le son de gorge des corbeaux *** Toujours à l'envers le départ du canot En équilibre sur l’eau Selon le vent la pointe du canot Par le mouvement de la pagaie L’eau oscille et donne le passage Le canot paroi qui tremble Fend le ciel aux rares nuages *** Au fil de l’eau Le canot flottant Le mot flotte Contre les nuages Perd tout son sens Se métamorphose Et devient vole *** Le canot glisse dans le ciel qui n’imagine pas le poisson Qui fait bulles et cercles Le mouvement en J de mon poignet Mes doigts touchent à l’eau froide Si c’est en juillet au lever du soleil La brume ouverte avec l’eau J’ai à la main le miroir des doubles ciels Et mon double va dans la même direction que moi *** Chants d’oiseaux Au fil de l’eau Le canot à l’aurore de brume Glissent en moi les ciels évanouis Des tremblements de ma mémoire *** Au matin Du mouvement des bras Sur les ciels Parcourus avec les chants Qui connaissent de la brume le blanc Enveloppant une silhouette disparue *** Coule sur la mémoire le canot Eau stagnante, eau lente, eau limpide Trace un éventail À la pointe de son creux effilée Il invente son rêve de s’élever dans les airs Au diable épuisé de son mouvement La douceur du passage suggère un paradis oublié Juste avant le soleil qui aveugle Le paysage de brume disparait au Vauvert avec moi Dans l’écoulement des arbres, des pierres et des arbustes *** Le paysage avec moi Sur le ciel d’eau Où la brume attache les nuages aux bleus Avant que le soleil ne se lève Qui rend mon passage léger entre les rives *** Canot Double léger ravit de l’eau le ciel Il passera entre les nuages Pour rejoindre les mirages de pierre Qui disent une autre fois la terre Posée contre le lisse qui glisse sur mon dos Un peu ivre des chants d’oiseaux Je me relève pour parcourir le sentier Bruissant de la décharge du lac *** Le ciel dans son encre d’eau Aussi léger qu’un reflet de pierre Jusqu’à la rive où je deviens avec la terre Le marcheur au fil de l’eau versée en tourbillons Éblouissante au soleil qui s’est levé entre les fissures Creuset d'Océan *** Avant la décharge Une eau limpide Où parfois le héron s’envole Au-dessus du fracas entre les pierres D’abord rondes puis aux angles aigus À mesure que le courant accélère Mes pas voient le bris des eaux En tourbillons et en gouttes En bas d‘une petite falaise Que le sentier accompagne Entre mes mains La fraîcheur sur mon visage *** Je ne peux pas dire au coeur du temps Je ne peux pas dire au coeur de l’espace Je ne peux pas dire je suis au coeur de l'eau Je suis avec l’eau Vers la décharge Je suis avec le huard qui plonge Je glisse jusqu’à l’émerveillement de son apparition On dit que l’eau qui coule est la métaphore du temps C'est l’eau en mouvement On dit la décharge : d’un lieu à l’autre Eau emportée sur le dos de la pierre J’avance entre les arbres vivants Attiré par le bruit de l’eau Joie des printemps des cascades Eau contre bois morts et roc On dit: depuis des centaines d’années Pierre ouverte par l’eau Jusque dans l’étang aux arbres debout morts On dit : dans sa chute Le grondement vibre dans le torse Les éclaboussures au visage L’eau bouillonnant En tournant happe le regard Elle s’enchevêtre aux troncs Se façonne en spirales On dit : la force de la décharge Cette eau de lac frappe, contourne et enrobe les pierres Prend de la vitesse et creuse Une falaise et une coulée Se mêle dans les remous aux arbres Heurtant le regard d’une harmonie Entre l’homme et la forêt Dans la chute des corps On dit : l’homme mais ce n’est que de l‘eau qui parle La respiration aime la fraicheur de l’eau Les cellules veulent la poursuite du mouvement Dire qu’il n’y a pas que de l’eau et de la pierre Entendre l’eau contre les roches Le long de la falaise où s’accrochent des cèdres Coïncidence des sons et de la vélocité des eaux Contre l’immobilité de la pierre On dit que c’est le temps Mais c’est l’écoulement en ce lieu Où la pierre est dévoilée Et dévoilée elle est rongée Dans l'espace de la chute Je descends au plus près des éruptions sonores La beauté fait arrêt Et la profondeur du grondement la pensée Oui dans cette pierre Oui dans ces arbres Oui jusqu’en bas Oui, cette joie de l’eau Sans fin, il me semble *** Il n’y a pas d’humains ici Que des arbres morts, droits ou tombés Dans la chute ou dans l’étang Contre la pierre ou dans la boue Lentement après la cascade, l’eau dans l’étang au pied des arbres blancs Contre les effervescences de l’eau les arbres bruns Dans les arbres debout dans l’eau les oiseaux Au coeur du déferlement le pépiement des mésanges Gouttes d’eau sur la pierre Pas du seul humain Descendant, entendant Où les animaux disparaissent Bois de débâcles ou arbres debout blancs Arbres vert tendre ou arbustes le long du chemin Imbibés d’eau ou secs Verticales, horizontales, obliques, courbes Quand l’eau coule et gronde entre les pas Férocité de l’eau dans la chute Offrande de bois Tout le long de sa course Jusqu’à l’étang Où le chant Troncs et branches sur le lac Tombant avec l’eau Branches dans la bouche du castor Sur la maison enneigée L’eau n’a pas d’image fixe à clamer Elle tremble avec le chemin Elle est agitée de pas Elle détruit en se dissociant Elle attend le regard et le révoque Elle sourd ou bruit Elle me fait Limpide ou immobile Agile et contemplant *** Ainsi chaque lieu peut devenir un lieu d’écriture En autant qu’il est imprimé dans la mémoire Chaque branche, chaque arbre, chaque promontoire* Chaque espace terrestre peut devenir un lieu d’écriture *L’Acropole des draveurs est l’emblème même du promontoire *** Homme couché dans les vapeurs de l’étang Homme debout contre le déferlement de la cascade Dans la cascade bassin d'eau lente pour déposer le corps Au bord de l’étang, écouter le geai bleu Se frayer un chemin au bord du ruisseau pour voir toute l’étendue de l’eau Se coucher dans l’eau claire imaginer des écrevisses Revenir en arrière On dit : on dit en arrière pour le passé S’imaginer de brume pour se coucher sur l’étang et être de tous ses mouvements S’accroupir au ruisseau pour voir les écrevisses Dans la main ne s’agite plus que de l’eau Son tumulte imagine la vie Dans l’étang le foisonnement lent aux odeurs de pourrissement La ligne claire qui sépare nos passés de vivants La fuite argentée des écrevisses hors de nos paumes Le long du ruisseau lentement attendre l’orée des vivants Du ruisseau des débâcles et des troncs morts Jusqu’aux bois fantômes où le pic Où le héron, le corbeau, le geai Ne veulent rien de nous Debout tels des arbres morts Attendant que la vie s’accroche à foison en nous Et retrouve sa limpidité *** Le poème devrait être un torrent qui gruge Mais ce torrent qui gruge la pierre Est en un lieu où le petit ruisseau en un torrent gruge la pierre *** Le ruisseau et sa chute Pierre enlevée, grugée Fissure ouverte par les ans Tant d’années Vieille chose Constance de l’eau sur les pierres En hiver l’eau des montagnes descend vers les lacs Ne se fige Vers tous les autres lieux de la terre Là où la terre finit l’eau En sa chute contre la pierre En forme de tourbillons Le vide de l’usure Par son mouvement comblé **** Les lieux de l’eau Dans la fissure de la terre Contre la pierre enlevée Jusqu’à l’océan * L’eau habite la terre Jusqu’à L’Océan Jusqu’aux cavernes Contre la lave Nous n’existons qu’avec elle Quand je transcris cela je pense à St-Siméon, là où le paysage s’ouvre vers le fleuve *** Métaphores du petit ruisseau Surement pas un train une automobile Une image légère qui se tortille et se distille Le bruit qui l’annonce Non pas une machine Peut-être un vent liquide Des chevaux, une fuite Se précipitants en leurs chutes des hommoncules De pêtites choses sans visages les atomes Qui s’agitent dans tous les sens La fluidité de l’eau non pas comme une huile Lieu d’une fissure, d'une échancrure Grave la pierre d’un vide Qu ajoute au mouvement de l’eau *** Je suis comme la chute Un évènement de l’eau *** Ce qui échappe à l’eau : la pierre L’eau lave rapide entre les pierres Les anéantit doucement L’action de l’eau sur la pierre : pour la terre Sous mes pieds sol d’humus D’où jaillissent avec l’eau les plantes Monte avec cette énergie inaccessible à nos corps Nous élève l’eau par sa chute Nous: torrents contre nos pierres En figure de paroles Tourbillonnant, coulant, Chacun creusant ses fissures Torrent qui ne cesse que pour le calme miroir de ses quiétudes Eau parlante de décharges et des lacs Jusqu’aux Océans de mes rivages
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L’inachevé de la joie – 14
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Lieu 1, Séquence 14 Lac Spectacles - Wenworth 45.812627194164754, -74.54446608646387 Pas de transaction monétaire pour ces poèmes. Ils sont de la terre, mais dans cet espace électronique qui surchauffe la planète, est-ce la solution? Ajout : 2022-02-04 • La solution : simplement écrire à la main - sans transcrire. Geste minimal 0 de l’écrivain. • Il pourrait aussi écrire sur un support éphémère, par exemple l’eau. • Un geste dans l’eau ne laisse pas de traces - dans l’eau claire, pure. Du moins pendant un si un court instant. • L'eau, sous forme d’encre - sert à inscrire sur une surface les lettres. • Personne n’imagine écrire avec du pétrole - si moi - un instant. Pétrole des sables bitumineux - odeur du pétrole. Inodore encre bleue des plumes fontaines. • Écrire dans le sable. Mais emporté par le vent. *** La pierre sur la pierre devant soi Offrande de la terre au coeur de ma marche Ressentir toute la force du mouvement qui me propulse vers la lumière Courbé sur les feuilles, ratissant les herbes Aux humides lancers Entre pins et bouleaux Leurs odeurs dans la respiration Au bord des précipices qui m’offrent le vide Il me conduit là où je vais voir le rosé se joindre aux verts La tenaille de racines ne se rompt pas aux fissures des rochers Je suis dévoilé en elles Sous mes pieds l’apaisement a la forme de la terre ** De ces lieux écrits, je devrais parler d’un désert d’humains, là où je vais, point d’hommes - beaucoup moins que sur le sommet de l’Everest - et bêtes rarement entrevues. En plusieurs de ces lieux, je le crois, peu ou pas d’humains sont allés ou sinon à intervalles très espacés - pour des opérations forestières probablement. Dans toutes mes marches dans les forêts laurentiennes hors sentier je n’ai rencontré que peu d’humains - le sauvage du paysage serait-il à portée de la main? Non, parce que la plupart de ces forêts ont été coupées, travaillées, régénérées, défaites. Des travailleurs sont passés, on en voit les restes, ou les traces dans le paysage. Chemin forestier, débris parfois, arbres tombés, troncs coupés - d’où s’élèvent d’autres arbres. Sur les sommets plus escarpés moins de chance de coupes, d’où une plus grande abondance de pins et d’épinettes. *** Ainsi tous les lieux dans ma mémoire et dans ses écrits sont comme un espace?
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L’inachevé de la joie – 13
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Lieu 1, Séquence 13 Lac Spectacles - Wenworth 45.812627194164754, -74.54446608646387 À la montée - c’est le corps qui monte - avec son chapelet de gestes. Balancement des hanches, pieds, tête en avant - un peu - le corps cherche la pierre. Éperon de rocher devant, le contourner. À gauche flanc de la montagne pour l’amour des pins et des pruches. Pas en plus, avec plus de souffle - le souffle dans les pas vers le vertige de la lumière. Au sommet, entrevoir la falaise puisque son fracas est en moi. Paquet d’os en vertige. Grimper là pour voir une fissure entre deux rochers qui donne le vide à ressentir. L’aspirer. Comme un corps - la lumière sur de la pierre. Contre la pierre la lumière - et les arbres poussent dans les interstices, tombent et reviennent. Le plateau du sommet. Ouvrir la pensée, en gong, en quanta, en bouffées. S’assoir, la respiration dialogue avec la pierre qui soutient le corps jusqu’au centre immobile des roulements, du tournis d’univers.
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L’inachevé de la joie – 12
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Séquence 12 Ça y est j’ai encore les mains froides La main du vent La main de pierre Sur laquelle la toile d’araignée des artères À l’ombre de tous mes soleils Me dira d’écrire le coeur Qui se ravive sans fin De la ronde des silences À l’orée des jours J'ai encore la main froide Main de pierre agile Elle reçoit du coeur les déficits Les masque si souvent À la respiration du monde Grand corps absent ou assourdissant Qui s’articule et se désarticule devant moi Demande à mon sang de m’éroder, de croître Ou de rester immobile Je serai plante ou cerceau de lumière Peu importe Là où ma main de lave devenue Coule pour devenir île
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L’inachevé de la joie – 11
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Séquence 11 Appartement Venise - 1550 Calle de le Oche,Santa Croce, Venise, Italie 45.43935, 12.32730 2022-01-23 La constance de la lumière Mouillée, lente, effeuillée Sur les pierres, les façades Les crépis troués Les briques mangées Le long d’un calle le corps dans l’étonnement de l’improbable De la lumière et de l’eau De la pierre et du vivant *** Les fissures de la pierre Près des doigts Où l’eau pourrait mourir Mourir et revivre une autre fois Où une plante s’enlace Aux ocres et aux jaunes Est-ce un souvenir ou Venise inventée par un autre corps Entre un calle et un rio?
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L’inachevé de la joie – 10
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Séquence 11 Lac Spectacles, Wentworth-Nord, Montcalm 45.812627194164754, -74.54446608646387 De la fissure de la roche vers le haut de la falaise, où comme le temps, l’espace de pierre ouvre à l’air, au chant, aux arbres. Dans ma mémoire, je peux voir le trajet. Est-ce que je peux voir- ressentir mes gestes? Dans mon corps - les gestes. Est-ce les gestes que je ressens dans cette vision-remémoration? Qui ne peut exister sans ce corps. Qui produit son temps.
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L’inachevé de la joie – 9
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Séquence 9, Lieu 0 Le temps généralisé n’existe pas. Il y a des lieux et leurs temps. Ce lieu peut être un objet en mouvement : automobile, bicycle, train, avion. Au plus haut, sur les montagnes, le temps passe plus vite. En accélération, à plus haute vitesse, le temps passe plus lentement. Les temps de tous ces lieux ne peut-être rassemblé en un seul temps. Il n’existe pas quelque chose qui s’appelle Le Temps. Ces lieux et leurs temps. Ce corps en ces lieux et ses temps Lieux de résidence Lieux de voyage Lieux de la marche *** De l’immobilité Même immobile, par exemple méditant, je suis poussé, entraîné à des milliers de km-seconde autour du soleil (dans son puits gravitationnel) et je tourne avec la rotation sur elle-même de la terre. Mon temps ou mes temps sont déjà modifiés de ces mouvements et de ma position par rapport à la masse de la terre (champ gravitationnel de la terre). *** 2022-01-20 Il n’y a pas d’immobilité dans l’univers. Le point du Big Bang ( infiniment dense) n’est pas dans l’espace. Ni d’ailleurs dans le néant. L’univers m’enveloppe et me crée. Il n’est pas une personne. On peut dire qu’il est un évènement qui se poursuit en moi. Je suis évènement à l’intérieur des paramètres créés par lui, espace-temps. On ne peut prouver l’existence d’un néant préexistant à l’univers. Notre seule certitude est cet univers qui nous fait. D’où cette joie d’être au monde. **** En lisant Brodsky En lisant Brodsky, sur Venise et ses autres poèmes, je m’aperçois que je sacralise la lumière. Dans cette écriture sur Venise, je sacralise, d’une certaine manière la lumière, comme but. Elle ne doit pas être ainsi écrite, mais comme élément matériel de cette vie. De cette vie vers laquelle je me tourne.
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L’inachevé de la joie – 8
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Séquence 8, Lieu 7 Venicia, Canaregio Chiesa di Santa Maria dei Miracoli 45,43980, 12.33937 Tout ce vent fissuré d’océan Sur les gondoles Attendant l’aurore à ma peau Sur le glacis noir Harmoniques des mouvements aux vagues *** Du palais des Doges à l’Église Santa Maria dei Miracoli Dans ma mémoire, les choses (les choses des lieux, les objets des lieux) sont des masses plus ou moins distinctes ou précises, comme des ombres lourdes. Moins le souvenir est précis plus les ombres s’imposent. Ajout : 2022-01-28 Le souvenir ( les images du souvenir) semble une recomposition d’une image, à partir de quoi, je ne le sais pas. Est-ce que nous emmagasinons les images comme des entités ou des ensembles sensoriels? Quelle est la place de la sensation du corps ( du corps et des sensations du corps) dans le souvenir? Le souvenir semble un temps, ou parle d’un temps, mais ce n’est pas le temps, ni l’image du temps. L’image ou les sensations d’un corps en mouvement dans un lieu au moment(s) de ce corps. Mais ce temps n’est ni une sensation ni une image. Église Santa Maria dei Miracoli. Dans mon souvenir, ciselures de marbres roses. Dépouillée, sans ornementation. Grande peinture dans la nef. Silence. Beauté. Bordée par un canal. Dans un campo. Le canal est traversé par un pont. J’imagine ou je me souviens que je prends une photographie de cette église. Je n’ai pourtant aucune ! Le trajet longe la Riva delli Schiavoni. Un pont saturé - alourdi- de touristes, comme moi, comme nous, les débarqués du jour ou non. Même si je me crois unique, je ne le suis pas. Mais c'est peut-être un unique trajet qui me conduira ce jour-là à cette église. Cet événement unique de la progression de mon corps dans les calle et la surprise de la rencontre de cette église. Le quai s’allonge en une lisière indistincte Vers l’Arsenal Jusque dans l’Adriatique Les touristes n’ont pas de visages Au-dessus du glauque un peu puant d’un canal Où les gondoles et les taxis prolifèrent Un peu plus loin il y aura la surprise de la Miracoli *** Sans visage Ils prennent le masque De la foule Sa fébrilité Fait ressentir l’urgence de l’escale Venise en 48 heures **** Dans Google map on peut visiter Venise. Y découvrir des coins charmants, des émerveillements. La beauté de Venise : surprise des assemblages inattendus très souvent harmonieux de briques usées, de pierres sculptées par l'eau, de fissures, de fer, d’ornements, des rappels de formes, des césures inattendues, flamboyantes, des murets panachés d’arbres qui indiquent un mystère. Des ramo qui ne laissent passer qu’un humain à la fois aboutissent à une impasse d’eau où partir, si on le veut, pour rejoindre l’océan, en bateau. Par ses harmoniques, Venise est un poème complet qui nous donne à l’Océan par son labyrinthe. Le labyrinthe d’eau n’est pas le même que celui de la pierre. Ils s’entrelacent. Permettent des fuites divergentes mais accordées. La pierre descend au fil de l'eau doucement vers Venise Pour être assemblée en ses fissures Sans regret les briques dénudées de crépi Annoncent ce que nous appelons le temps Qui est notre corps de passage dans ses eaux Qui coulent autour de nous Elles nous disent mobiles et fugaces Légers et furtifs *** L’église dei Miracoli apparaît, sa teinte est le rose, elle a cette résonance dans mon souvenir. Elle surgit dans la marche. *** Église dans le silence De ce qui tombe dans la lumière La révélation d’être au lieu Où l’écho se répercute Jusqu’aux plafonds ornés Qui écoutent les voix Des émissaires de la joie ou des porteurs de la douleur *** 2022-01-15 À l’éclaircie, là-bas Un navire se profilera plus haut que la Salute Au-delà de cette foule Par les ponts et les canaux Le cœur de silence de marbre Une vierge de bois passant entre les clairons de Monteverdi Attend et n’attend pas le reflux du silence *** Miracle de marbre au détour d’un calle. Se répercute jusque dans la foule Un instant elle tourne la tête Vers le large où apparaît un point blanc Sur l’Océan, un salut *** Je marche avec la foule Elle veut Michel-Ange, Le Titien, Le Tintorêt. S’agglutine, avance, attend, mange Divisée sous le jugement dernier du Palais des Doges par Tintoretto Ils sont sortis par milliers du ventre des navires Avec le Caravagio Son visage en pleine lumière Découpé contre l’acier Au-dessus des eaux qui amènent les passants Devant les rouges et les ors de la peinture Du côté de la lumière ou de l’ombre Dans cet afflux de miasmes et de respiration D’un côté ou de l’autre du tableau Au hasard d’un enfer ou d’un paradis Hors des murs de la grand salle Chacun sur un calle, dans un vaporetto, au ristorante Comme moi entre les jeux de l’eau et de la pierre Pour étreindre la lumière de Venise Qui les délaisse aussitôt *** Miliers de touristes du luxe des navires Vers les Titiens, les Tintorets, les Véronèses Agglutinés aux portes, téléphones aux mains Selfies aux visages Contre la carcasse noire d’acier La lumière jaillit Le Caravage la peint À la fin des promenades Après le jugement dernier La foule se divise malgré elle En damnées et en élus Marie sort discrètement de St-Marc Pour entendre un silence soudainement refusé Entre les sueurs et les murmures Elle me laisse seul Dans la salle du grand conseil des Doges Pour que je décide de mon sort *** De la foule des touristes Caravage a-t-il un visage à peindre? Surement pas le mien Ni celui de ceux dont je n’ai aucun souvenir Un trait, la bouche, les yeux, le nez De ces visages oubliés Caravage peut-il de la Giudeca inventer un corps Émergeant du noir des entrailles du paquebot Qui défigure Venise? ** 2021-01-17 Devant le paquebot noir La figure émaciée d’un Syrien Caravage de lumière et d’ombre Offre à la foule le miracle Qu’elle n’attend plus Un après l’autre chacun Migre d’un pas vers le visage Émergeant d’un néant détruit À l’instant même de son apparition la foule s’en empare Pour nier à Venise sa lumière Pourquoi avec les autres n’ai-je pas sauvé La plus petite part de la grâce et de l’amour Que le pinceau du peintre a tracé? *** Il n’y a pas plus de preuve de l’existence du néant que de preuve de l’existence de Dieu. Cet univers construit et reproduit son espace et son temps. Dans cet univers, la règle est la création des étoiles au feu nucléaire de leur fusion et les planètes sphériques qui les entourent. La vie est une des conséquences de son organisation. Mais dans cet univers qui créé la vie, celle-ci peut-être détruite (tout comme cette matière qui en est le substrat) en une fraction de seconde. À l’horizon des évènements. (En fait la matière est véhémente selon Rocavelli.) Ce qui assure les conditions de notre vie est ce qui assure que notre destruction sera complète et inéluctable. *** Mon petit néant personnel Devant un Caravage Dans cette lumière qui éclaire un visage ravagé Qui n’est pas le mien Ni celui des touristes Elle me pousse et m’effleure Me laisse le passage ou empêche le regard Pour solliciter le miracle Captée par des mains, des yeux et une bouche en furie *** La foule venue de la place des Doges Avec nous sur le Ponte della Paglia Où l’horizon imagine pour nous son océan À partir de l’or du Redemptore Nous, puisque je suis dans cette foule Nous nous fuyons Pour un calle désert Un floc d’eau le long des marbres d’une église Qui nous donne l’écho des silences de jadis *** Eau ancienne Sur le flanc du mur noir Contre le Redentore D’où surgit le visage du migrant Du tableau imaginé de Carravage Les visages du Caravage D’un mur halluciné Traits de lumière le long des corps Estompés des touristes Se noyant dans leurs foules Et je lève le bras
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L’inachevé de la joie – 7
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Séquence 7, Lieu 1
Lac Spectacles - Wenworth
45.812627194164754, -74.54446608646387
L’éboulis
Son fracas
Au dédale des corps
Ne pas l’entendre
Le long de l’étang
Entre la sphaigne et la falaise
Répercussions
De proche en proche
Pierres roulent
S’arrêtent contre les arbres
Ou les déchirent
Haute falaise aux pierres rosées
Humides parois
À l’éclat de l’éboulis
S’arrêter pour attendre
Là où la lumière
Me conjugue à l’atmosphère
De ce silence
****
Les blocs enchevêtrés
Aux pieds de la falaise
Avant mon passage
Le paysage ouvert
Par leurs chutes
Après la marche le long de l’étang
Passée la charge du lac
Entre la montagne et la paroi
Sortir du dédale du corps
Avec la respiration des oiseaux
Entrer dans l’espace du souffle
***
Pieds mouillés jusqu’à la falaise
Parois humides rosées
À l’arrêt comme moi
Les masses des pierres
Immobilité sans souvenir
Leurs fracas
Un merle sur un noisetier
Furtif son chant
***
La marche jusqu’à la pierre parlera d’Océan
Au rosé des parois
Branches des cornouillers
Élégamment blanches fleurs des viornes
Quand le fracas survient
Au-delà de mon corps
Dans la vallée au ruisseau ténu
Entre les éboulis et la montagne
****
L’espace de l’amour où la pierre condense les fracas
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Inachevé de la joie – 6
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Séquence 7, Lieu 1 Lac Spectacles - Wenworth 45.812627194164754, -74.54446608646387 L’éboulis Son fracas Au dédale des corps Ne pas l’entendre Le long de l’étang Entre la sphaigne et la falaise Répercussions De proche en proche Pierres roulent S’arrêtent contre les arbres Ou les déchirent Haute falaise aux pierres rosées Humides parois À l’éclat de l’éboulis S’arrêter pour attendre Là où la lumière Me conjugue à l’atmosphère De ce silence Émergé dans l’Océan **** Les blocs enchevêtrés Aux pieds de la falaise Je les entends avant mon passage Fracasser le paysage L’ouvrir par le son Après la marche le long de l’étang Passée la charge du lac Entre la montagne et la paroi Sortir du dédale du corps Avec la respiration des oiseaux Entrer dans l’espace du souffle *** Pieds mouillés jusqu’à la falaise Parois humides rosées À l’arrêt comme moi Les masses des pierres Le fracas se poursuit Dans l’immobilité sans souvenir Un merle sur un noisetier Furtif son chant *** La marche jusqu’à la pierre parlera d’Océan Au rosé des parois Branches des cornouillers Élégamment blanches fleurs des viornes Quand le fracas survient Au-delà de mon corps Dans la vallée au ruisseau ténu Entre les éboulis et la montagne **** L’espace de l’amour où la pierre condense les fracas
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Séquence 6, Lieu 6 Piazza San Marco, 30100 Venezia VE, Italie 45.434416, 12.339115 Marche au matin vers Plaza San-Marco Dans Venise sans passants à 5 heures Vers St-Marc Mes pas sur les calle Seul Avec la lumière qui vient De la douce aurore de Venise *** Entre ma mémoire visuelle et mon (le) langage, il y a un hiatus. Je me remémore cette marche Surtout à partir du Pont Rialto 1) Sur le pont 2) La place après le pont 3) Arrivé sur la piazza 4) Piazza 5) Église St-Marc - la basilique 6) Les gondoles au port - l’aurore 7) Le retour en vaporetto - presque seul La céramique de la cathédrale San-Marco Son or quand tinte le glas de l'aurore. *** Extrait d'un poème : Ce passage à un autre temps qui a les qualités ou qui hérite des qualités d’un espace labyrinthique et a été salué par d’autres. Ses battements se diffusent dans les corps, imprègnent les pierres. La force de l’Océan se joint à une nuit sans faille. Le désordre de ce temps est le désordre de Venise. Le voyageur arrive à destination à travers des passages inattendus, imprévisibles. Il est le temps de l’Amour. *** Marche rapide des Vénitiens Avec leurs enfants Langue doucement parlée Chuchote avec l’eau des canaux *** Rues-corridors désertes Vitrines sans touristes Mes pas vers San-Marco Le silence enfin Céramique de San-Marco sous mes pieds Dans le vaporetto - au retour Doucement balancé par les vagues La lumière d’aurore sur les gondoles L’or de Venise sur la peau Quel est cet or de Venise? Celui des rapines? Des profits des marchands? Des chevelures blondes? De la lumière, de quelle lumière? Quand donc la lumière est-elle d’or? Dans quel instant imaginé prend-elle cette teinte? 2022-01-15 *** Le but est de me réapproprier ma mémoire à partir des lieux retrouvés De l’espace en résonances Motif Musical : Monteverdi Vespre de la Beate Virgine Dans St-Marc L’entendre Avec l'amour *** Quel évènement introduit la résonance des espaces entre eux? Plus joyeux qu’un ange En cet amour filé jusqu’à l’eau Des reflets la nuit Que chaque or recèle *** Le chaos des canaux Sur l’eau les frontières disparues A tenter de ne rien connaître Juste les vagues et le bruit du vaporetto Au cœur du dédale d’eau Là s’emplit et reflue l’Océan Sur le pont du Rialto. Regard vers le grand Canal. Là l’Océan. Marches blanches vers lui. S’ouvre un campo et des magasins. À droite pour St-Marc, affiche SAN MARCO. Plusieurs images de ce campo. Au-delà du campo, rien dans la mémoire avant St-Marc, si ce n’est la calle vide des magasins. Chaos de Venise Amour de Venise Amour à Venise Paillettes d’or de l’Amour Le cœur livre le chant Aucun trafic humain L’attente de la lumière Sur les coupoles et la mer Contre le marbre et la peau La pierre lessivée recevra comme moi La pellicule d’eau rose de l’aurore *** Sur la Place St-Marc joggeurs et joggeuses. Ce qui est laid. Même si les corps sont beaux. Rues vides Seuls, mes pas Leurs sons L’éclairage des vitrines Sur le Rialto, il fait nuit, encore Tant de fois j’aurai pu Marcher vers Place St-Marc Pour atteindre l’aurore Dans les calle déserts Le son de l’eau Est-ce tout le mouvement de Venise? Venise se déploie dans ses eaux Bouge, navigue en ses eaux Le temps de Venise - en ses eaux Espace chaotique entre les eaux - amour Amour entre les eaux du chaos *** Entre les visages Où flotte l’amour du chaos Je reçois les musiques des eaux Prolongées jusqu’aux céramiques d’or Aux mémoires de mes pas *** Dans l’amour du chaos Je reçois les musiques des eaux Prolongées jusqu’aux céramiques d’or Aux mémoires de mes pas Les dalles de San Marco Aux milliards de pas Sous la pluie d’or Des visages extasiés L’ange descend et prend ces corps Instruments de musique de Venise Ce qui s’appelle mon corps - se mélange à la pierre en cercle Pour voir l'intérieur de la cathédrale San Marco ce matin là il aurait fallu que je sois un rat, impossible d'entrer. En haut les merveilleux chevaux et la coupole du Christ. **** Je peux parcourir tout Venise en virtuel Google map à un temps ou des temps x. L’été ou le printemps. https://www.google.com/intl/fr-CA/maps/about/behind-the-scenes/streetview/treks/venice/ *** L’eau verte au matin Pas encore agitée Des briqueteurs, plombiers, livreurs de vin et de légumes, blanchisseurs Qui vivent hors Venise Le départ de la marche Dans le silence des canaux Après que tous les taxis aient livré leurs parts de rencontres Venise palimpseste de tous nos amours Au bord des vagues hautes ou douces En transparence de nous Sur le pont l’inspiration d’un départ D’un point De l’amour Où les eaux se rencontrent D’un point À la rencontre des eaux L’amour ne signe Que la douceur du clapotis des vagues Air de l’amour - le cri de l’amour Jusqu’à St-Marc la dorée et la rose La dorée et la rose De la lumière la pellicule d’eau Pour le ravissement en notes Écho de la pierre en mosaïques Ange lointain de nouveau dans mes pas *** Le pont Rialto figure des eaux Né lui aussi des eaux -Tout est né de ces eaux -Tel Venus À Venise Elle se conjugue à l’océan En cet anneau Corps astré Lune au bout de ma course Où la respiration avec l’Océan Se conjugue à l’éclat doré de St-Marc *** Travail indéfini Il y a toujours ce lieu en moi Y compris celui de ma fin Le lieu de ma fin Corps en un lieu conjugué de ses lieux Le lieu Amour **** Si dolce e il tormento *** Pour que cette marche devienne de pierre fluide Saisie d’aurore La marche fluide Entre les pierres Morcelées en figures d’or *** Ange qui me regarde passer Sors de ta cathédrale Avec les chevaux piaffants Pour descendre jusqu’à la surface des eaux Amener à moi la lumière *** Le geste de la main La bouche ouverte pour le baiser Dans la pierre Maria avec Monteverdi Entend et ressuscite les regards Aux anges coulant de leurs ors vers nos visages *** Avant le pont du Rialto Arrivages de légumes et de fruits de mer La succulence des eaux Sur les tables de bois Quand le vent, si le vent d’Océan *** La pierre récite Les eaux translucides D’où émergent les visages Si clairs de l’amour *** Vent d’Océan Sur les pierres Depuis si longtemps Venise reçoit ses eaux *** De ces pierres à ces pierres. Au passage les hommes, leurs espaces, où la lumière inonde les coupoles d’or. *** Pierre contre l’Océan Où il glisse dans les lagunes Contre les pierres Gonflement de marées Vagues lentes et douces *** Creusés de la mer Les canaux des lagunes Entre les iles Devenues de pierre Où la marche entend l’Océan *** Sur les pierres La résonance de l’océan Entre les pas Jusqu’à St-Marc Où la lumière arrache Au corps le corps **** Comme l’eau goutte à goutte Le mur de pierre se forme En ne retient aucune de mes images L’amour est le labyrinthe des corps Pliés dans l’aurore Au bout de la vague Fuite d’Océan et de vent
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L’inachevé de la joie – 5
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Séquence 5, Lieu 5 Campo Sans Giacomo del Orio, Santa Croce, Venise, Italie 45.440229, 12.327827 San Giacomo del Orio Dans les calle au matin Doucement les voix Des pères et des enfants Rapidement Vers l’école En murmures La langue italienne Au soleil déclinant Femmes se parlent Enfants jouent au ballon Sous les arbres du campo Fraicheur bienvenue Dans la canicule douce de Venise *** À la marée ou au soleil d’après-midi Sous les arbres ou sur les pavés Les pas des enfants ou des femmes Sans lassitude J'entends ressurgir chaque lieu En ma mémoire *** Le temps existe en l’espace Dans cet espace, nos passages, nos actes. Notre temps, celui de notre passage. Notre passage dans l’espace, sa trace engrammé, c’est le temps et notre temps. Ainsi le temps n’est pas perdu. *** Les hommes et les femmes de Venise ne se perdent. Quand ils marchent ou embarquent dans leurs bateaux, ils savent dans quel calle marcher ou dans quel rio naviguer pour atteindre le Gran Canal, l’Océan, ou les maisons de leurs amis. *** Murs de pierre Lavés de cette eau verte des marais Si veille Des corps noyés et des navires disparus Au delà de la lagune lente Qui laisse passer le temps dans les veines Quand sonnent dans les os des Vénitiens Les clairons à Maria de Monteverdi Échos des profondeurs Contre leurs vies, nos passages, leurs départs *** Entre les arbres Les enfants jouent Leurs mères parlent Les suaves mots italiens Colorent leurs visages Dans ce campo vénitien On dit bien dans Le corps dans l’espace Cet espace définit par le langage humain Que le langage construit Et qui reçoit le langage
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L’inachevé de la joie – 4
Au refus global nous opposons la responsabilité entière
Séquence 4, Lieu 4 Appartement Venise - 1550 Calle de le Oche,Santa Croce, Venise, Italie 45.43935, 12.32730 De la lagune, l’eau Au seuil des maisons Une rumeur de mer En tout lieu de Venise *** À la nuit, taxis, jusqu’à trois heures du matin. Au matin livreurs, entrepreneurs en construction, plombiers sur leurs bateaux. Parfums de diésel. Eau verte intouchable, imbuvable. Tant d'évènements dans cette eau. Je l'observe de mon balcon en écoutant. Appartement de Venise Plancher en terrazo beige. Cuisine ouvrant sur une porte avec balconnet. Chambre donnant sur un autre balconnet au-dessus d'un rio. En face édifice désaffecté avec magnifiques fenêtres Plafonds hauts. Table de cuisine en bois. Comptoir de cuisine face à la porte. En regardant sur Google map mon trajet de l’appartement jusqu'au Campo San Giacomo del Orio, je comprends que j’ai la mémoire du trajet, de la forme de l’espace, mais pas des couleurs. Un peu des sons. *** Où je dors Quand l’eau s’éveille avec moi Je suis perdu Et l’amour perd Ses métamorphoses dans Venise Cette errance, à la recherche de l’autre, l’amour est une errance
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L’inachevé de la joie – 3
Séquence 3, Lieu 3, Version 1 Campo San Boldo, Santa Croce, Venise, Italie 45.43952298038058, 12.328541297944598 Venise, lieu qui navigue avec l’eau, s’allie et se mêle à l’océan, se fond à lui et nous perd. *** Le son du poisson jaillit Floc Dans l’eau verte de Venise Contre un mur léger écho La lune reçoit nos mains sur le pont de pierre Qui écoute l’écoulement de l’océan dans nos veines Le canal à droite, après le pont une petite place, au rectangle de deux canaux Devant nous ,un édifice de trois ou quatre étages. Au deuxième, un appartement illuminé. La lune est levée. Pleine, ronde. Si doucement Elle ajoute à l'eau sa lumière Sur nos pas agrandis de marées d'ombre Avec le goût de se perdre
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L’inachevé de la joie- 2
Lac Spectacles, Wenthworth, Québec 45.79814261833918, -74.5293220935403 Projet indéfini Tous les lieux en mémoire à écrire Ici- ce lieu - et toutes ses écritures Non pas l’objet. Ce qui vient avec l’objet. Mémoire de Proust - Sonore, liquide, fonction d’onde Je ne suis pas nécessairement l’observateur ou l’observé La marche ou le passage modifient le paysage. Engramme du passage dans le paysage - engramme de l’espace en soi Cet en-soi est une covariation des évènements et lieux enregistrés - en fonctions d’onde - harmonique des évènement en soi - -Temps pour Proust Être pour Proust : accumulation d’harmoniques - co-variation : mémoire retrouvée et action de retrouver cette mémoire = temps
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Inachevé de la joie 1
Séquence1, Lieu 1, Wenthworth-Nord, Québec, Canada,45.812627194164754,
Falaise Étang de la falaise La terre de mes pieds façonne la terre Les cournouillers Les pins Devant moi La fissure du paysage Où s’introduire dans le lieu A droite: la falaise À gauche: la montagne Entre la montagne et la falaise L'étang Pour les oiseaux et les vivants Pieds mouillés De la montagne la côte sombre De la falaise l'éboulis Récits de pierre Histoire de la terre dévoilée Sans buissons, sans arbres Le rosé des pierres Les pas déversés L’un après l’autre En chute des regards Des rochers le poids Contre la respiration terrestre Le vent Le passage **** Le ciel Quel ciel? ( Regards incessants sur le ciel) Bleu lavé nuages Comme les souvenirs (Les écrivants ils apparaissent d'une autre façon) Buissons à franchir Avant la montée Démêler le corps des branches des cornouillers, des framboisiers Autour de l’étang Énergie de lumière* * Les vivants émettent plus de lumière que le soleil 2022-01-07 *** Montagnes et falaises sans nom Espace seulement Quand la mémoire Roches d'éboulis, carrés, rectangles, rondes Versées Déversées Fracas Je n’ai jamais entendu une tel fracas Arrêtes des pierres Blocs erratiques Ruisseau suivi Pour le tour de la montagne Eaux aux pieds Sphaingue Entre la montagne et la falaise Tout l’air de la marche **** Images de la falaise Sombre, fraîche Accents roses des pierres outaouaises Ciel - Quel ciel? Encore des pas La pierre - condensation de mots Éboulis de gravité Au pied de chaque pas Bloc près de soi Air chaud du regard Le temps en lui *** Terre étagée En souvenirs Son histoire - en soi ( en moi) La poète peut-il encore être prométhéen? Est-il simplement orphique ? Celle qu’il change en pierre, c’est la terre? Trace des lieux En soi Soi dans l’espace de chaque lieu Comme mémoire d'un corps en mouvement
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